Au cours de ces trois années en Licence d’Histoire de l’art, on m’a formé l’oeil, m’a enseigné à reconnaître la touche d’un artiste. On m’a appris à être capable de discerner la palette d’un Greco de celle d’un Titien ou encore d’un David. Il en va de même pour la sculpture ou plus récemment, la photographie plasticienne. A vrai dire, à y regarder de plus près, il en est question pour tout type d’art quel qu’il soit. Lorsque l’oeil est affûté, il nous est dès lors possible de reconnaître à une touche, un coup de burin, un son, un détail aussi infime soit-il, à qui appartient la peinture, la sculpture, la partition, etc. Etre capable de rattacher l’oeuvre à son artiste par ce petit rien, qui fait pourtant tout. Qui, dans certains cas, se révèle être la clef de voûte de l’Oeuvre de l’artiste en question, ou à l’inverse en être le point d’orgue, le point de commencement.
La Photographie n’échappe bien évidemment pas à cette règle. Un cadrage, une composition, une retouche; et l’on devine qui est le photographe. En étant passionnée par ce domaine et entourée de gens qui le sont tout autant, à des degrés bien différents, simples amateurs ou vrais professionnels, je n’ai de cesse de parfaire cet oeil, avec délice et délectation. Pendant trois ans, nous nous amusions en bons Historiens de l’art que nous étions, à regarder toute oeuvre en omettant le cartel et tentant justement à première vue de le deviner, par les enseignements que l’on nous avait prodigué. Inconsciemment, je me rends compte que j’ai calqué ce modèle de réflexion sur la Photographie. J’aime à regarder des photographies, admirer celles des personnes qui m’entourent et à deviner de qui celles-ci peuvent bien provenir. C’est au fond très formateur. Un jeu somme tout simplet, mais qui se révèle bien plus compliqué lorsqu’on est pris à son propre jeu et que ce dernier se retourne sur vous.
De mes débuts photographiques jusqu’à il y a peu, j’ai toujours eu grand mal à me conformer à une case. Oui, je pratiquais la photographie, oui j’en étais passionnée, mais non, j’étais bien incapable de dire « Je suis photographe de/en … ». J’ai mis de nombreuses années à me « chercher », me suis forgée auprès des autoportraits et mises en scène pour illustrer mes propres écrits sur une autre plateforme qu’ici même; pour enfin finir par trouver ma voie, de la manière la plus naturelle qui soit. Aujourd’hui, je m’en sens comme non pas soulagée, mais bien libérée. Mon approche photographique et ma pratique photographique s’en sentent bien meilleures. Ce qui me transcende, me fait me sentir dans mon élément, vous l’aurez compris au fil des pages et articles par ici, c’est bien évidemment la photographie de voyage; avec un petit bonus, pour les paysages.
Si depuis environs quatre ans, je me sens en « conformité » avec les « cases » photographiques; il n’en reste pas moins, que je suis une parmi tant d’autres. Nous sommes tant et tellement à être passionnés dans ce domaine du voyage. Un mal pour un bien au fond, car les univers sont parfois riches et variés, et nous donnent la possibilité de faire d’incroyables rencontres, de prendre des claques visuelles comme jamais. En bonne élève que je fus, j’ai cru innocemment me contenter de cette « conformité »; mais au fond il n’en fut rien. On apprend souvent bien plus au travers du regard d’autrui. On se néglige bien trop soi même pour contenir encore une once d’objectivité envers son propre travail. J’ai avancé au fil de ces dernières années comme si j’avais des œillères, poursuivant mon évolution photographique, tentant au mieux de me perfectionner, d’aller de l’avant, d’apprendre et de m’enrichir. A aucun moment je ne me suis rendue compte que je me forgeais MON détail. LE trait caractéristique que tout « artiste » rêve de posséder. Ce quelque chose si précieux qui vous fait sortir de ce lot béant et mouvant. C’est en prenant le temps de se poser, de faire voler en éclat ses œillères, que l’on se rend compte à quel point on s’est fourvoyé. On pense être comme tout le monde alors qu’en fait, on EST, tout simplement. J’ai passé ces dernières années, à envier et admirer tous ces gens bourrés de talent qui m’entourent, d’avoir cette différence là, d’avoir cet oeil là; sans penser un seul instant que je pouvais l’avoir également.
Il est de bon ton parfois, d’accepter de prendre du recul sur son travail, d’admettre que les discours qui tournent autour de vous ne sont finalement pas si discordants, bien au contraire. Que ces derniers en viennent même à se rejoindre sur certains points. Le déni dans lequel on avait pris ses quartiers vole alors en éclat, les pièces du puzzle s’assemblent et l’évidence même se fait jour.
Aujourd’hui, c’est l’histoire de ce puzzle que j’ai envie de vous conter. Cette évidence, ce détail qui est mien, que j’ai envie de partager avec vous. Si dorénavant, il est indéniable que je m’éclate dans la photographie de voyage, je ne peux désormais plus omettre et passer sous silence cette part de plus en plus conséquente dans mon travail photographique, qui fait la photographe que je suis, l’oeil que j’ai et qui me distingue de ce flot mouvant. Qui fait CETTE particularité, CETTE différence. Si vous me suivez depuis un petit moment par ici, sur facebook ou autre, vous savez de quoi je veux parler…les non moins et fameux, Reflective portraits !
Ils sont devenus incontournables, pas un voyage, une pellicule, une série, ou il n’y en a pas au moins un. Je dis bien au moins, car pour la Suède en juin dernier, j’en ai dénombré pas moins de 26 à l’argentique (!) Un record absolu. Plus les années filent, plus je me rends compte que je privilégie l’argentique pour réaliser ces Reflective portraits. Aime à jouer sur les différentes situations, et surtout, avec les diverses pellicules. Le champ d’action est à mon sens plus plaisant à l’argentique qu’au numérique et je m’y sens bien plus à l’aise. Pourtant, c’est bel et bien au numérique que j’ai commencé. Pour ce premier article (qui vous annonce en fin de compte une série récurrente!), et cette mise en abîme, je vous propose de revenir aux prémices de cette pratique et de tenter d’en comprendre le pourquoi du comment, avant d’en découvrir l’évolution au cours de ces dernières années, dans un prochain article :)
Les trois premières photographies de cet article, sont l’illustration (très personnelle!) de mes débuts photographiques et remontent à 2007 et tout début 2008. On est là dans un Reflective portrait, on ne peut plus classique. Un miroir, un appareil photo et ici, un flash additionnel. Comme dans bon nombre de mes photographies, de manière générale, et encore plus dans les Reflective Portraits, ce qui ne prime pas c’est bien la technique (!) Preuve en est ici même. Je m’en contre fiche, ce que je veux et recherche est au delà, le Souvenir. Je persiste et signe à vouloir affirmer qu’une photographie est un instantané d’un moment T, figé à jamais. Je veux voir l’histoire au delà de la technique. Quatre à cinq ans après, je me rappelle encore du moment de la prise de vue de ces photographies. Un soir de semaine, une envie subite, une inspiration. Le mur blanc de ma chambre au troisième étage de cette maison Lilloise, et le miroir sur le mur qui lui fait face, trônant au centre de deux grandes armoires encastrées dans le mur, au dessus de la cheminée en marbre. Avant tout et pour tout, la transposition d’un sentiment, d’un ressenti. Ni plus ni moins. Les choses évoluent, la pratique également. Quatrième photographie, le jeu du cadre « entre en jeu » justement, ainsi que celui de la surface réfléchit, on passe du miroir à la vitre. Deux nouvelles catégories en une. Juin 2008, sur le quai du RER C à Massy Palaiseau. Le contraste de la verticalité du cliché avec l’horizontalité du tableau, et en bonus, ce « Sam ». :) Un reflective portrait avec en plus un semblant de cartel, je ne pouvais décemment pas passer à côté. Cinquième photographie, mai 2010 l’évolution se fait sentir. La compo est bien plus pensée et régie. Le miroir est à nouveau d’actualité mais au travers d’un usage qui est tout autre. Tout comme sur la sixième photographie, qui suit ci-dessous. Le cadre prend une nouvelle dimension et importance. La composition est plus que jamais pensée et gardée en tête.
La « machine est lancée » comme on dit. Je ne m’en rends pas compte sur le coup, mais c’est à partir de là, que tout prend forme et que (la) ma série est bel et bien lancée :) Les années vont se succéder et les surfaces vont peu à peu se différencier. Tout est potentiellement « reflective portrait ». Le résultat peut être à tout moment surprenant, la composition drôle, le rendu inattendu. Le monde entier qui m’entoure ne se révèle être qu’une source intarissable d’inspiration. J’ai commencé de manière classique au miroir dans une chambre, pour en venir à la porte d’une boutique, la vitre d’un bureau, d’un tableau dans un musée, d’un cadre sur mon étagère…
Vous constaterez la prochaine fois qu’à l’argentique, le terrain a été littéralement démultiplié, si bien qu’aujourd’hui, je n’ai plus aucunes limites. L’œil est à l’affût, voilà tout et les trouvailles n’en sont que plus improbables et insoupçonnées. La Suède est de loin ma plus belle réalisation de reflective portraits. De manière générale, vous verrez que l’imagination et l’inspiration sont décuplées et sans bornes. Mais avant cela, je tenais à vous évoquer la « dernière » (à ce jour!) catégorie de ces reflective portraits. J’ai commencé seule cette série, à un moment ou l’introspection était de rigueur et la remise en question première. Au fil de l’évolution de cette caractéristique qui m’est devenue propre, le champ s’est ouvert à autrui. Désormais, selon l’endroit, le lieu et le moment, un reflective portrait à deux (ou plus) est parfois préférable. Que ce dernier soit consenti par la personne ou à son insu. L’exercice peut alors se révéler bien plus complexe qu’il n’y parait. Mais n’y a t-il pas au fond, un plaisir certain à relever un défi ? A sortir des sentiers battus si confortables ? Je crois me souvenir que l’introduction d’autrui dans mon champ de création remonte à mon dernier voyage a la Réunion, en 2009. J’en dénombre quelques unes mais n’ai choisis de ne vous en montrer qu’une seule ici même, ci-dessous, qui je trouve, illustre assez bien mes propos. Tout comme la seconde qui suit. Pour l’une le cadre est le point central du reflective portrait et prend tout son sens avec; tandis que pour l’autre, il n’en serait presque qu’un prétexte, une occasion/excuse venue là.
Penser sa compo avec soi même, c’est une chose. Devoir la chambouler et re-penser avec autrui, en est une autre. Pour preuve notamment, ces deux derniers reflective portraits, qui ont pour moi une importance toute particulière. Non seulement, parce qu’ils reflètent un moment important dans la vie de P. et de J., et qu’ils m’ont accordé si gentiment de vivre au plus près d’eux; mais également pour le lieu. Le cadre et la présence de ce miroir dans cette toute petite salle de tatouage, ne pouvaient être qu’un appel criant au reflective portrait ! Le terrain de jeu et les possibilités étaient extras ! Je voyais là, l’occasion de réunir diverses catégories de mon projet reflective portraits, en une. Mêler allègrement le reflet pur et dur du miroir, avec la présence restreinte de ce dernier et l’incorporation d’autrui, avec en prime le moment figé en question. Que demander de plus ?
En espérant que cette nouvelle rubrique vous enchante et que ce premier article vous ait mis l’eau à la bouche pour me suivre dans cette folle aventure que sont mes Reflective Portraits ! :) La prochaine fois, pour le #2 de ces Reflective Portraits, on passe du côté de l’argentique et je vous livre la belle histoire pour aboutir à ce genre de photographie et de grand moment… <3
11 Comments
Kim
17 janvier 2016 at 0 h 15 minMagnifiques photos, j’adore… tout particulièrement les noirs et blancs, j’adore en prendre moi-même ^^
Vagabondanse
22 janvier 2016 at 12 h 09 minMerci ! Les reflective portraits sont mon terrain de jeu favori à n’en pas douter ;)
Katia
26 juillet 2013 at 19 h 54 minJe me souviens quand je te suivais sur ton ancien blog des premières photos,le temps a passé et c vrai que ces réflective portrait ont toujours été présents,j’ai toujours trouvé ça super sympa.jamais identique,toujours plus surprenant j’ai bien hâte de découvrir la suite :)
vagabondanse
31 juillet 2013 at 23 h 03 minJe savais que tu serais l’une des rares à pouvoir relever les premières photographies :) Tu te doutes bien que j’ai pensé à toi en les mettant ! Que de souvenirs de sans-doute… :) Je suis vraiment contente de te savoir ici, de poursuivre l’aventure avec moi et que ce projet qui m’est aussi cher te plaise Katia ! <3
Jeremy
26 juillet 2013 at 16 h 19 minCette série est tellement canon, je suis fan et rien qu’avec le prochain article tu vas (encore) me vendre du rêve, avec tout ce talent à revendre.
:)
vagabondanse
31 juillet 2013 at 23 h 04 minNon mais ca suffit les compliments Jeremy <3 ! Je sais plus ou me foutre moi à la fin ! :D Quelque chose me dis que la seconde partie ne devrait pas te déplaire en effet…
Clow
26 juillet 2013 at 15 h 13 minJe trouve ton article vraiment intéressant aussi bien l’écrit que le visuel.
Je te suis depuis ton premier Deviantart et c’est avec un petit pincement au coeur que j’ai reconnu tes premieres photos au début de l’article ! J’aime ce que ton monde est devenu et cette nouvelle série est juste parfaite, j’adore les reflective portrait, je trouve ça vraiment génial.
Hâte de voir la suite.
vagabondanse
31 juillet 2013 at 23 h 07 minMon premier Deviantart ?! En effet ca ne date pas d’hier :D C’est tellement plaisant de vous retrouvez, vous, les quelques survivants de mes débuts par ici. Cela me touche comme vous n’avez pas idée. Merci beaucoup pour ces petits mots, ravie que ce projet qui me tient tant à coeur te plaise autant :) La suite risque de réserver de nombreuses surprises…!
Corka
26 juillet 2013 at 13 h 58 minJe trouve cela intéressant de voir que tes années en Histoire de l’Art ont fait que tu t’es forgé un regard sur les œuvres, notamment dans la photographie… J’aurai d’ailleurs apprécié avoir des cours sur la photographie ! Personnellement, je suis dans cet état d’esprit de ne pas savoir dans quelle case me mettre, savoir quel peut bien être mon style (si encore j’en ai un…) par contre, je sais une chose… C’est que je ne suis pas un grand portraitiste, ni pour moi-même, ni pour les autres !
vagabondanse
31 juillet 2013 at 23 h 14 minIl est vrai que je ne m’attendais pas un seul instant à ce que mes études influences mon regard photographique. Surtout que je n’ai jamais pris un seul cours. Tout est à l’instinct et de manière purement autodidacte.
Comme on dit, tout vient à point à qui sait attendre, un de ces jours tu finiras surement par trouver a voie :)
Corka
2 août 2013 at 11 h 15 minJe suis d’accord pour l’instinct ! Pour ce qui est de la voie, je ne sais pas dans quelle case m’inclure (comme je te l’ai déjà noté) mais je ne cherche pas spécialement non-plus à forcément m’incorporer quelque-part… Après, au niveau des goûts, je préférerais faire de la photo humaniste à chaque fois que je le peux !
Sur ce, je me permets d’aller voir si tu as mis du neuf sur Vagabondanse ! ^^ Bonne journée ! :)