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Analog / Feature / Paris

Paris, je suis partie mais je ne t’ai pas tout dit. Ô oui Paris, je te l’assure, la parisienne que je suis en a le coeur meurtri.

J‘ai envoyé valser Paris au coeur de l’été, comme on tourne la page d’un livre une fois la fin du paragraphe avalé. Oui, j’ai mis ma plus belle robe ce jour là et je t’ai envoyé valser, Paris.

Ce devait être le dernier été. Ce fut le dernier été, à Paris. Nous aurions pu entamer un tango, un foxtrot ou un jive, mais j’ai choisi la valse. Oui, je t’ai envoyé valser Paris, pour mieux t’enlacer droit dans les yeux et t’imprégner. Tu as compté les jours au rythme des temps de cette danse, tandis que je les ai regardé s’égrainer en sachant que chacun serait le dernier. Je t’ai agrippé la paume de la main et t’ai envoyé valser jusqu’à t’en faire perdre ton centre de gravité. Je t’ai fait tourner Paris, jusqu’à te donner le tournis et voir les souvenirs défiler.

Chaque rue, chaque boutique, chaque parc, chaque stations de métro, chaque pont. Oui, chaque pavé nous l’avons foulé, nous l’avons dansé, valsé. L’été était plus doux à ses côtés. L’été fut plus serein au creux de vos deux mains. Enfermée la première partie de la journée au travail, il était là, à la sortie. Là, pour me retrouver, pour m’emmener te retrouver Paris, et à nouveau, valser jusqu’à ne plus sentir nos pieds, ton souffle se couper, mon cœur s’emballer.

Ce devait être le dernier été. Nos pas ont valsé au rythme du métronome, tandis que je choisissais quel moment de mon année à tes côtés Paris, je voulais voir rejouer avant que le rideau ne tombe. On a foulé tes trottoirs gris, on est allé manger dans cette boutique tes macarons. On a humé cet air chaud sous un soleil de plomb pour mieux s’alanguir au Parc Monceau. On a sali nos pieds à brasser la terre sablonneuse du jardin des Tuileries pour rire à gorge déployée de nourrir les poissons comme des enfants de huit ans. On a photographié, filmé, tenté, essayé, effacé et recommencé. On s’est aimé, on a essayé. Je t’ai épousé Paris, et il t’a adopté. On s’est trouvé.

Je t’ai envoyé valser Paris, sans jamais te perdre des yeux, sans jamais les fermer, jusqu’à m’en brûler la cornée. Je t’ai vu te lever et te coucher chaque jour, chaque matin, chaque soir, en allant et sortant du boulot. Plus que jamais, je t’ai grignoté à t’arpenter; encore, inlassablement, jusqu’à boire la tasse et en souper. J’ai attendu d’en être lassée, en vain, j’aurais pu me noyer maintes fois avant que cela n’arrive. J’allais foutre le camp pour de bon, mais je voulais te marquer pour toujours, te laisser un souvenir à chaque arrêt, chaque point de vue, chaque boulevard, chaque arrondissement. Oui Paris, je t’ai envoyé valser si fort, jusqu’à t’en briser la paume de la main pour que tu t’en souviennes, que la reconstruction de ta douleur soit aussi longue que mon absence. Je t’ai envoyé valser si fermement, pour que le manque n’ait pas le temps de te gagner, autant qu’il me rongerait.

Ô oui Paris, je t’ai si longtemps imaginé, si ardemment désiré, que le gouffre ne pouvait être que béant à l’idée de t’envoyer valser pour de vrai, sans paroles en l’air, mais encrées sur le papier glacé. Ô oui Paris, ce devait être le dernier été, il était si doux, l’amertume rangée au fond de nos souliers de danse, le parquet lissé par le bonheur simplet de profiter de toi comme jamais, sans regrets. Ô oui Paris, avant toi, j’ai rêvé de m’établir ailleurs, ici, dans cette ville outre-atlantique. Maintenant que le rêve est devenu réalité, la certitude est plus limpide que jamais. Ô oui Paris, il n’y a qu’avec toi que je veux m’ancrer pour de bon, pour toujours, qu’avec toi que je veux valser ainsi et me sentir chez moi.

Ce devait être le dernier été. Paris, tu as poursuivi ta vie trépidante, enivrante, tandis que je passais chaque minute à vouloir me souvenir, imprégner ma rétine. Deux mois d’un cancer en phase terminale, où chaque fait et geste est éphémère. J’ai poursuivi à t’écrire alors que tu m’intimais l’ordre de me souvenir. A chaque temps, chaque mesure, je revoyais un visage. Les bords de Seine avec lui après tout ce temps; cette longue soirée sous les toits de mon petit 18m² avec lui; se revoir et se retrouver avec lui dans ce parc après tout ces mois, comme au lendemain de cette fameuse soirée; ou encore cette après-midi photographique avec lui comme je les aime, dans cet appartement.

Je t’ai envoyé valser Paris, je t’ai étreint jusqu’à t’en déboîter l’épaule et te laisser chancelant, recroquevillé, pour ne pas me voir fuir au petit matin. Je t’ai fait valser pour mieux t’enraciner et m’ancrer à tes côtés. Ô oui Paris, je t’ai envoyé valser si intensément, pour mieux te voir continuer à tourner en mon absence et reprendre à mon retour sans que tu ne flanches, comme si le métronome n’avait jamais cessé.

Ce devait être le dernier été. Oui, ce devait être le dernier, avant que l’éphémérité de celui-ci ne soit finalement reconduite. Ô oui Paris, nous allons à nouveau valser. Comme avant, comme toujours, comme maintenant. Ô oui Paris, ta paume a cicatrisé, mon coeur aussi; nous allons pouvoir reprendre. Gardes la position, continues de tourner comme tu le fais si bien, poursuis sans t’en rendre compte, s’en voir que je reviens prendre place au creux de tes bras, comme hier, comme il y a six mois. Paris, je suis partie, mais Paris, je ne t’ai pas tout dit…

Kodak UltraGold 400 iso (périmée). Ilford FP4+ 125 iso. Agfa APX 100 iso (périmée)

9 Comments

  • Angie
    25 janvier 2015 at 8 h 49 min

    Je ne vais pas te dire encore que tes photos sont magnifiques, car c’est tellement une évidence que c’est redondant. Mais tu as un réel talent d’écriture, tes mots ensembles là … c’est beau !

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    • Vagabondanse
      25 janvier 2015 at 22 h 45 min

      Je ne sais même plus quoi répondre en dehors de… <3 Quelle surprise de voir ton nom s'afficher par ici, et à la lecture de ton commentaire, tu n'as pas idée comme il me touche. Sincèrement, je...
      En sachant l'importance que tiens la place de l'écriture dans ma vie et mon amour pour les mots, tu ne peux pas me faire plus beau compliment <3 ! MERCI, sincèrement.

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  • week-end
    14 mars 2014 at 0 h 05 min

    tes photos sont magnifiques! Paris est une ville magique… quand j’y suis arrivé, je la détestais et maintenant j’adore cette ville…Paris est simplement… incroyable.

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  • Faby
    4 mars 2014 at 23 h 15 min

    Tes mots, ces photos, cet article quoi <3 Paris je l'aime je crois parce que je n'y vis pas, parce que je la decouvre dans mes weekends, mes quelques jours par ci par la, arpantant differents quartiers, differentes saisons. Paris nous manque quand on s'en eloigne mais Paris peut etre oppressante et il faut s'en eloigner pour comprendre qu'on l'aime et qu'o veut y rester malgre ses defauts, et meme quand on habite a Montreal, ville qui me fait vraiment de l'oeil et qui me fait rever surtout en te lisant. Des bisous :)

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    • Vagabondanse
      13 mars 2014 at 1 h 20 min

      Fiou, tu me gâtes plus qu’il n’en faut avec tes mots Faby ♥ Merci beaucoup !
      Il y a bien des manières d’aimer Paris, selon si on la vit par intermittence ou bien au quotidien. Je peux aisément comprendre que parfois, Paris oppresse, étouffe, et qu’il faut s’en éloigner pour mieux cerner ce qui fait qu’on l’aime tant. Je n’en suis jamais arrivée là, j’aime Paris comme elle est, avec tout ce qui la compose :) Vivement l’été !

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  • caro
    25 février 2014 at 17 h 07 min

    Très joli article! j’ai quitté paris pour partir moins loin que toi car je vis à Lille depuis 3 ans mais comme toi je rêve d’y revivre et je ne me vois pas passer ma vie ailleurs! il faut croire que cette ville ensorcelle!!

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    • Vagabondanse
      2 mars 2014 at 17 h 07 min

      Décidément, Paris et bel et bien ensorcelante :) Paris c’est Tout à la fois, alors pourquoi s’évertuer à chercher ailleurs ?! En effet, Lille ce n’est pas si loin, j’y ai vécu pendant trois ans et j’en garde de très beaux et bons souvenirs :)

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  • Jeremy Janin
    24 février 2014 at 13 h 30 min

    Qu’est ce que j’aime ces photos !!! :)
    Il faut savoir partir pour se rendre compte à quel point on est attaché. Montréal c’était ton rêve, tu peux être sacrément fière de l’avoir accompli et d’être en train de le vivre. Cette parenthèse de rêve dans ta vie parisienne, te permettra de revenir avec un regard encore plus émerveillé sur Paris, cette ville qui t’es si chère. Hâte que tu me fasses découvrir les jolis coins de Paris, qu’on retourne s’amuser avec les poissons, manger des bagels, et (re)découvrir Paris, car comme tu l’as dit, je l’ai adopté et je commence même à l’aimer :) Je suis sûr que tu n’auras pas le même regard sur Paris à ton retour, tu y découvriras peut être même un nouveau Paris. Même si quitter Montréal, sera forcément un peu dur vu tout ce que tu y vis et vas y vivre, mais assurément, le retour à Paris aura une jolie saveur :)

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    • Vagabondanse
      13 mars 2014 at 1 h 20 min

      ♥♥♥

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