15 jours a sillonner la côte ouest américaine, de Seattle jusqu’à Crescent City. Une après-midi de l’autre côté de la frontière californienne et une nuit ont suffi pour se rendre compte au petit matin de ce quatorzième jour de voyage, en repassant la frontière de l’Oregon, que nous venons de franchir l’étape charnière du roadtrip. Après être tant descendu, il est l’heure d’entamer la remontée en direction de Seattle.
Le sentiment est partagé. On est heureux de rentrer à la « maison » en retrouvant l’état de l’Oregon, où nous venons de passer tant de temps, de vivre tant d’émotions. Mais le coeur se serre également de savoir que nous sommes désormais plus proche de la fin que du début de cet incroyable voyage. Cette première partie le long de la côte est passée si vite, on en a vu tellement, ressenti tant, vécu autant; qu’on peine à réaliser qu’il est temps de laisser tout cela derrière nous et de se jeter dans l’inconnu de l’intérieur des terres.
Les miles se suivent et c’est un autre visage, un autre tableau de cet état qui s’offre à nous. Ces paysages majestueux, tous ces arbres, cette route qui serpente en suivant le cours de cette petite rivière en contre bas. On en prend plein les yeux, et savoure ce décor qu’on avait loupé la veille au soir en roulant de nuit jusqu’au campground. On contourneGrants Pass, poursuit le long de la Pacific Hwy 5, jusqu’à prendre la sortie 40 et se laisser porter le long de la « Old Stage Road« . S’éloignant de la voie rapide, le coup de coeur est immédiat.
Cette Historic Road résume à elle seule l’image que j’avais en tête avant de venir, ce que je voulais voir. ♥ Une vue surplombant, dégagée sur les champs et enclos, les monts au loin, ces belle villas qui côtoient ces maisons plus modestes, voire ces taudis dans certains cas. Cette palette colorée, sous ce soleil éclatant, restera l’une des images fortes de ce voyage. Le regret pointe son nez que de ne passer qu’en coup de vent le long de cette route, et de ne pas avoir pu s’y arrêter plus longuement de-ci de-là, tant elle le mérite.
J. se souvient encore de mon sourire jusque là en entrant dans Jacksonville. J’étais comme une pile dans la voiture en découvrant la ville. Il m’a fait la surprise de faire ce petit détour, parce qu’il savait que c’est ce que je voulais voir, mais il était bien loin de penser que le coup de coeur serait à ce point et que j’aurais pu y passer la journée entière si nous avions eu assez de temps pour.
On tourne quelque peu pour chercher le centre d’info et avoir un plan de la ville, on rit en tombant sur ce couple originaire de Portland à qui on demande notre chemin, et qui, reconnaissant notre petit accent français que trahit notre anglais; nous racontent qu’ils rentrent tout juste d’un voyage de 3 semaines en France qu’ils ont adoré, du sud-est à la Normandie en passant par les châteaux de la Loire et Paris. Que le monde est petit ! On sourira au centre info, lorsque la dame nous avouera que son fils habite en France près de Marmande…marié à une Française !
Plan entre les mains, on finit vite par l’oublier pour se laisser guider par nos yeux et nos envies de tourner dans telle rue ou telle autre. On fait un bond dans le temps, on découvre une vieille ville américaine comme on a pu se l’imaginer. On est dans le rétro sans être dans le kitsch, comme on en avait eu le sentiment à Seaside. Je déclenche sans pouvoir m’arrêter, je m’extasie devant cette architecture, ces anciens commerces, je fonds devant toutes ces boutiques d’antiquités; jusqu’à définitivement me perdre dans l’une d’elle, lorsque mes yeux tombent nez à nez avec ce que l’on cherchait depuis le début du voyage…des plaques d’immatriculation américaine ! On repart de là avec sous le bras, le Kansas, la Californie et l’Oregon. On repart de Jacksonville un sourire jusque là, et un coup de coeur indéniable pour moi, l’un de ceux marquants de tout ce roadtrip.
Le compteur de la Chrysler ne cesse de grimper, à mesure que l’on s’enfonce pour de bon dans l’intérieur des terres.Medford ne sera qu’une halte ravitaillement pour nous permettre de tenir en autarcie pour les prochains jours qui s’annoncent coupés du monde, pour notre plus grand plaisir.
On se délecte des paysages, s’octroie des arrêts par-ci par-là, comme avec cette cascade sortie de nulle part ! Le jour décline à l’image des températures au compteur de la voiture, au fil de l’ascension. Il en rêvait, j’ignorais tout à son sujet avant qu’il ne m’en parle; mais ma bouche s’est grande ouverte lorsque nous sommes arrivés face à lui…Crater Lake.
On rit de payer 10$ notre pass pour 7 jours, en sachant pertinemment qu’on ne fait passer qu’en coup de vent; et on entame l’approche par la West Side road qui est ouverte, tandis qu’une partie de la East side road est fermée en raison de travaux et de neige. En l’espace de quelques heures, nous sommes passés du soleil et de la chaleur des plaines, à la fraicheur rocheuse. On enfile quelques couches supplémentaires et on s’extirpe de la voiture, pour sentir ces 40F (4°C!!) que nous indique le compteur.
Il n’y a pas de mots assez fort pour exprimer ce que nous ressentons mutuellement à ce moment là. Il n’y a que ce cratère béant et ce froid glaçant pour nous accueillir, ces nuages pour nous enrôler et nous inviter à rester un moment. Pas un bruit, pas un pas aux environs. Seuls au monde. On grimpe un peu jusqu’à trouver ce petit endroit, à demi couvert par quelques arbres pour se poser et savourer, diner face à une vue si impensable, ce cratère immense. De loin, l’un des repas les plus mémorables de ce roadtrip. Ce bonheur sans nom de cette liberté maitresse de s’établir ou bon nous semble, de n’être attendu nulle part, ni par personne, si ce n’est par la nature elle-même et ses paysages. ♥
On en reprendra une bonne dose au petit matin, le lendemain, pour oublier qu’on (que je!!) vient de passer la pire nuit du voyage, à grelotter sous la couette à l’arrière du van. Nous ne saurons jamais jusqu’où la température chuta, mais je peux vous l’assurer, au regard du réveil sous les flocons que nous avons eu, nous étions aisément sous la barre des 0ºC !! Le changement nous semble surréaliste en seulement quelques miles. Se revoir la veille en short et débardeur, et ce matin, emmitouflée à se brosser les dents sous les petits flocons de neige qui tombent timidement. Ô que oui, Crater Lake restera mémorable, pour tout cela, pour cette rencontre, ce jeune homme à l’accueil du Mazama Village Campground, saisonnier pour quelques mois, originaire de Miami mais dont la maman est…française, de Strasbourg !
On se résout à quitter Crater Lake au pas, le long de la West Side Road, à reculons, pour étirer ces instants, ces moments entre soleil, nuages, « fog » et flocons de neige. A mesure qu’on s’éloigne, on égrène à nouveau les couches de vêtements au rythme des degrés qui ne cessent de remonter sur le compteur de la voiture. Le paysage retrouve sa verdure, on regagne le plat pays comme on dit, et on file à toute allure le long de cette ligne jaune en direction de Fort Rock.
A mesure qu’on s’en rapproche, on reste ébahi de découvrir encore une fois, une nouvelle facette de l’Oregon, un paysage aux allures désertiques. L’image n’en est que plus renforcée, par cette impression de « far west » en arrivant au petit village qu’il reste de Fort Rock. Le temps s’est figé. Sommes nous donc les seuls fous à avoir fait un détour pour découvrir cela ?
Indéniablement, nous serons les seuls à se lancer à l’assaut de Fort Rock, de sa roche ocre, de sa vue à 360º en son sommet, sous un vent carabiné; à observer au loin émerveillés, les raies de pluie s’abattre sur les terres à travers ces gros nuages sombres qui ne cessent de se rapprocher. On prend gout à déjeuner devant des panoramas de la sorte, Fort Rock sera coché sur la liste sans hésiter ! Check !
On se laisse bercer jusqu’à Bend, pour finalement regretter de ne faire qui passer en coup de vent, tant la ville semble jolie et regorger de jolis coins. Le soleil décline et inonde les environs à mesure qu’on approche de Prineville et de son plateau surplombant la ville. On se remémore cette journée incroyable qui vient de s’écouler, cette diversité que l’on vient de voir. Je rêvais de voir, de sentir l’intérieur des terres de l’Oregon, c’était sans soupçonner un seul instant que la claque serait si intense.
On roule, on roule, le long de ces lignes jaunes en continue qui n’en finissent pas. Au loin, les monts, à moitié dans l’ombre des nuages et les rayons de lumière du soleil couchant. Quand soudain, se dessine ce grand, cet immense drapeau américain qui flotte dans l’air…quelle douce fin de journée en Amérique.
Canon AE-1. Kodak Portra 160 iso – Kodak Max 400 iso (périmée) – Velvia 50 iso.
12 Comments
mzelle-fraise
27 janvier 2015 at 14 h 30 minTrès très chouette billet, qui donne envie de sauter tout de suite dans une voiture et de rouler… Tes photos sont vraiment réussies, l’atmosphère est mystérieuse et invite à la balade. Tu me donnes très envie de ressortir mon argentique :)
Vagabondanse
31 janvier 2015 at 15 h 37 minOh, comme c’est adorable ! Tu ne peux pas me faire plus plaisir :D Non seulement pour te donner envie de partir sur les routes, mais surtout, pour ressortir ton argentique :) Parfois cela a du bon de le dépoussiérer un peu !
Angie
25 janvier 2015 at 8 h 50 minC’est si beau …
Vagabondanse
25 janvier 2015 at 22 h 36 minCa m’a encore plus donné envie d’y retourner en écrivant l’article et me replongeant dans les photos *_* !
LaRoux
23 janvier 2015 at 17 h 20 minC’est tellement beau. Jacksonville, et ce Crater Lake .. tes photos nous transportent ailleurs, là-bas. J’ai envie d’y aller, louer une voiture, et rouler rouler encore.
Merci <3
Vagabondanse
25 janvier 2015 at 22 h 46 minMerci à toi Amélie pour ce si joli retour <3 Tu résume partement bien le message véhiculé, que de parvenir à vous transporter et vous donner envie de sauter le pas :)
Retour du Monde
23 janvier 2015 at 14 h 52 min« Mais le coeur se serre également de savoir que nous sommes désormais plus proche de la fin que du début de cet incroyable voyage. » Ce sentiment mériterait tellement un papier, cette bascule indistincte, impalpable entre le avant et le après, entre l’excitation de la découverte, et la peur d’en louper.
Bref joli papier comme d’habitude ! ;)
Vagabondanse
25 janvier 2015 at 22 h 41 minQuel plaisir et petit bonheur de vous lire par ici les amis :) ! Si ca ne tenait qu’à moi, je crois bien que je pourrais écrire un livre entier sur ce sentiment, tant il est fou à ressentir et insensé à exprimer tant qu’on ne l’a pas vécu :) Un moment charnière qui est bien loin d’être exclusif au voyage !
Donlope
23 janvier 2015 at 10 h 48 minJe reverais de faire ce même voyage, l’Oregon a vraiment l’air magnifique…et que dire de Crater Lake. Très belles photos, j’aime bien le rendu de l’argentique sur ces longues routes
Vagabondanse
25 janvier 2015 at 22 h 39 minMerci beaucoup :) Je ne peux que te souhaiter et t’encourager si l’occasion se présente, d’aller y faire un tour, car l’Oregon vaut vraiment le détour !!
Rory
23 janvier 2015 at 9 h 33 minQuelle diversité dans les paysages c’est juste dingue !
Jacksonville a vraiment l’air trop cool :D Je pense que j’adorerai également. Tes photos lui rendent bien honneur en tous cas…
Et ce Crater Lake, rien qu’en voyant les photos ça a fait « Wow. » donc je n’ose imaginer l’effet que ça fait en vrai.
Gros bisous ma Sam, keep posting we’ll keep dreamin’ ;)
Vagabondanse
25 janvier 2015 at 22 h 39 minJe crois bien que ce sont les mots « c,est juste dingue! » ! On a cru connaître, cerner l’Oregon dès les premiers miles, mais en fin de compte il n’en était rien, on a continué à aller de surprise en surprise! Les deux plus grosses furent surement de loin Jacksonville et Crater Lake, bien que diamétralement opposées, j’ai lâché un « wow » dans les deux cas ^^
Merci pour ce petit mot ma Rory <3 !!