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Analog / Canada

Un week-end dans les Laurentides…

S‘expatrier Ă  l’Ă©tranger pour ses Ă©tudes est une aventure en soi. En thĂ©orie elle n’en est pas moins riche et intense. En pratique, c’est une explosion accĂ©lĂ©rĂ©e. Un condensĂ© de vie en un espace temporel rĂ©duit.

Les Laurentides

On se retrouve tous en ligne, sur le bord de ce quai, tels des marins, prĂȘts Ă  prendre le large, Ă  grimper Ă  bord du navire. On le regarde se rapprocher, fendant les eaux calmes du port Ă  mesure que les jours du calendrier s’Ă©grĂšnent; avant de le voir jeter l’ancre, et de se bousculer pour s’engouffrer Ă  bord; se repousser en amont pour mieux s’attirer en aval. S’expatrier, se dĂ©raciner pour vivre une expĂ©rience Ă  des miles de son “chez soi” est une chose. La vivre ensemble, en est une autre. On a beau venir d’horizons divers et variĂ©s, de contrĂ©es proches ou lointaines, de pays frontaliers; sur le quai arriĂšre de cette frĂ©gate, le regard est le mĂȘme, la sensation est identique et l’histoire qui commence Ă  s’Ă©crire au grĂ© de la houle, en est similairement la mĂȘme. Il faut le vivre pour le croire, le ressentir pour le comprendre. Les paroles peuvent ĂȘtre bien belles, bien chaleureuses, mais tant qu’on n’est pas dans le cercle interne, que l’on n’y a pas Ă©tĂ© au moins une fois, on ne peut s’imaginer un seul instant la teneur de ce qui s’y trame; l’ouragan qui y rĂšgne, y fluctue et nous fait nous entrechoquer pour mieux nous enlacer et nous trouver.

Le porte avion prend la mer, certain, pas un remous ne vient briser son avancĂ©e; pas un clignement de cils ne vient faire douter l’un de nous sur le choix qu’il vient d’opĂ©rer. Nous serons dorĂ©navant chacun de notre cĂŽtĂ©, mais nous serons avant tout une rĂ©union d’unicitĂ© vivant parallĂšlement la mĂȘme chose. Les courants contraires nous chahuteront sans jamais nous Ă©branler. Les regards se croiseront sans jamais s’Ă©viter, parce qu’au fond, on sait avec certitude ce qu’il se passe, ce qu’il se trame, ce que chacun ressent. Autrui n’est autre que notre pĂąle copie, notre pĂąle reflet dans le miroir.

Le croiseur enchaĂźne les miles. La terre est lointaine, l’ocĂ©an bĂ©ant. Le souvenir dernier s’estompe Ă  teneur que grandit l’instabilitĂ©. Le manque arrive aux prĂ©mices des premiers flocons. Et si…et si le mal de mer ne l’emportait finalement ? Et si, nous avions eu tord de sous estimer la lourdeur d’une telle vie en autarcie ? Vaudrait-il mieux sauter dĂšs lors ? Ici, en pleine mer ? Nager jusqu’Ă  l’Ă©puisement, portĂ© par le regret ? Ne vaudrait-il pas mieux faire taire le bruit des cagettes de poissons qui s’entrechoquent Ă  l’arriĂšre du chalutier et braver ces vents en serrant nos mains les unes dans les autres ?

Chalet La Macaza

Ce week end aux Laurentides, nous l’attendions, nous l’espĂ©rions, nous l’avions rĂȘvĂ©, Ă  en parler vaguement lors d’une soirĂ©e; avant qu’il ne finisse par prendre bel et bien forme. Ce week end aux Laurentides, au fin fond de la forĂȘt quĂ©bĂ©coise, c’Ă©tait un nouveau saut en pleine mer aprĂšs avoir accostĂ© de l’autre cĂŽtĂ© de l’ocĂ©an. Au dĂ©but, nous n’Ă©tions qu’une multitude de chaloupes Ă©parses aux divers points stratĂ©giques du bateau, mais au cours de ce week-end, les cordes ont lĂąchĂ© et les chaloupes ont plongĂ© avec fracas dans les eaux atlantiques pour mieux se nouer entre elles et n’en faire plus qu’une.

Au dĂ©but il y avait M. et moi, W. et P., S. et K. puis P., S. L. et N., H. et N. avec les trois espagnols, qui au fil de la premiĂšre journĂ©e finiront par devenir R., A. et G. A nous quinze, nous faisons presque l’alphabet complet, brassons les diffĂ©rentes classes d’Ăąge, de dix huit Ă  trente ans. Vivre une aventure Ă  quatorze ou quinze au quotidien est une chose, la vivre le temps d’un week end, 24h/24 en est une autre. Les affinitĂ©s premiĂšres se confirment ou au contraire, explosent. On trouve une oreille attentive lĂ  ou on ne le soupçonnait guĂšre, un sourire ou l’on s’y attendait, un compagnon de rire et d’aventure lĂ  ou on l’espĂ©rait. Les noeux marins se font et se dĂ©font au fil des heures, des soirs et soirĂ©es, des parties de babyfoot et balades en fĂŽret, tartes aux lĂ©gumes et tortillas. On finit par envoyer valser au creux des vagues le stress des exams restant, pour mieux boire la tasse et s’immerger dans ce bonheur si simple d’une vie suspendue le temps d’un week end. On se laisse guider par l’autre, le laisse nous attraper la main et nous embarquer Ă  l’aventure, sur terre comme sur l’eau. Il n’y a que nous et ce chalet, le confinement de ce dernier et la chaleur de nos coeurs et corps pour le faire battre. Les masques tomberont et les Ăąmes se rĂ©vĂ©leront. Certains en seront ballottĂ©s, d’autres confortĂ©s, mais aucun ne peut affirmer qu’il en sera ressorti indemne.

Ce week end aux Laurentides restera nĂŽtre, renfermera Ă  jamais le souvenir intense d’un week end de (re)trouvailles. Les confidences des uns au rythme des aveux d’autres, des longs moments sous cette vĂ©randa Ă  l’inoubliable coucher de soleil sur ce petit pont. On trinque Ă  cette improbabilitĂ©. On regarde les piĂšces du puzzle s’emboĂźter comme si de rien. S. nous confie se souvenir de M. & moi dĂšs l’embarquement Ă  l’aĂ©roport de Paris, tandis que je me rappelle de nos premiers Ă©changes Ă  l’arrivĂ©e, Ă  MontrĂ©al. Aurions nous penser un seul instant Ă  ce moment, que deux mois plus tard, nous serions lĂ , dans ce chalet, avec toute cette belle Ă©quipe, toutes ces rencontres faites au fil des jours, des semaines ? Ô que non. Ce week-end aux Laurentides… Les positions de chacun sur le ponton de garde du navire ont quelque peu changĂ©, mais l’histoire n’en a pour autant jamais cessĂ© de s’Ă©crire, et poursuit plus que jamais Ă  se faire Ă  quatorze mains. Chacun a eu le livre en mains au cours de ce week end pour y apposer son propre chapitre, avant que l’histoire ne retrouve une ligne plus gĂ©nĂ©rale et commune.

Nous Ă©tions une multitude d’unicitĂ© avant de nous (re)trouver lors de ce week-end aux Laurentides. La boule au ventre chez chacun au retour, en est le symptĂŽme le plus limpide. Nous avions la certitude de vivre une aventure hors du commun, dĂ©sormais, aprĂšs cela, l’horizon n’en apparaissait que plus Ă©vident. ♄ A quand la prochaine sortie en mer ?

(pellicules périmées : Astia 100F, Ektachrome Epp 100, Afga CT precisa 100)

3 Comments

  • Nathalie, L'heure d'Ă©tĂ©
    15 janvier 2014 at 12 h 14 min

    Quel reportage photos splendide… Entre rĂȘve et rĂ©alitĂ©…
    Bonne journée !

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    • Vagabondanse
      4 février 2014 at 20 h 20 min

      Merci beaucoup Nathalie :) ! Comme tu le dis si bien, cette expĂ©rience que nous vivons est exactement Ă  mi-chemin entre le rĂȘve et la rĂ©alitĂ©…♄

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  • Jeremy Janin
    13 janvier 2014 at 13 h 31 min

    Je suis tellement mais tellement fan de ce regard que tu poses sur les choses, certes la pĂ©loche ressort avec des couleurs surprenantes, peut-ĂȘtre pas celles auxquelles tu t’attendais, mais qu’importe, tu as su capturer l’instant, l’essence mĂȘme de ce week-end dans les Laurentides. C’est aussi pour cela qu’il y-a une vraie histoire d’amour entre l’argentique et toi. Certains clichĂ©s sont d’un autre monde, la premiĂšre je te l’ai dĂ©jĂ  dit, mais je ne m’en remettrai pas^^ ! J’ai dĂ©jĂ  hĂąte de voir tout ce que tu vas capturer et de quelle maniĂšre avec tous les voyages qu’il te reste Ă  vivre et toutes les pĂ©loches qu’il te reste Ă  tester, car j’en suis sĂ»r, une fois encore, il y-aura de vraies pĂ©pites :)

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