Je vous le confessais en préambule, Cuba ne fut pas un voyage comme les autres, ne fut pas une destination comme une autre. Cuba fut de celle qui se rencontre, au delà de ses apparences, de cette carte postale idéale.
En une petite semaine nous avons rencontrĂ© Cuba au fil de ses diffĂ©rents visages, de La Havane Ă Trinidad, en passant par laVallĂ©e de Viñales, sans oublier, au grĂ© de la route. Nous voulions voir le vrai visage de Cuba, lire chaque ride de son visage iodĂ© par ses eaux cristallines. Oui, nous voulions rencontrer Cuba et la route nous a permis d’y parvenir de la plus belle des maniĂšres, au grĂ© de ses rencontres, de ses us et coutumes, de sa propagande et de ses rĂ©flective portraits !
Cuba on the road !
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Les rencontres !
Les rencontres. Le ton fut donnĂ© dĂšs l’aĂ©roport. Une premiĂšre immersion avec Lazaro, notre tout premier chauffeur de taxi, qui nous conta un pan de sa vie, de cette rĂ©gion traversĂ©e Matanzas qu’il connait tant. Il fut Ă l’image de tous ces visages croisĂ©s, rencontrĂ©s, dĂšs lors qu’ils dĂ©cĂšlent derriĂšre notre espagnol courant, l’envie d’aller Ă leur rencontre et non de n’ĂȘtre que des fantĂŽmes de passage.
Je me souviens de YotĂĄn notre autre chauffeur de taxi au sourire attendrissant, avec qui nous ferons prĂšs de 200 bornes entre La Havane et Viñales Ă bord de sa chevrolet de 1950 (!) bleue verte dont il est si fier, qui se livrera Ă nous sur sa famille et ses deux enfants notamment, allant jusqu’Ă nous montrer son tatouage au nom de sa fille. Il y a eu tant de prĂ©noms, tant de visages, tant d’histoires, mĂȘmes brĂšves, mĂȘmes furtives sur le bord d’un trottoir, au dĂ©tour d’une coursive de balcon, d’un marchĂ©. Combien furent dĂ©routĂ©s en nous entendant comprendre et parler leur langue, se sont ravisĂ©s de vouloir nous tromper en “bons touristes” que nous laissions paraĂźtre par nos peaux pĂąles, et se sont adoucis pour lever le voile et se livrer Ă demi-mots Ă nous. Ă oui, combien ! Chacun Ă leur maniĂšre, qu’ils soient chauffeurs de taxi, de charrettes, de bus, casa particular, marchand ou simple habitant… nous aura donnĂ© une petite piĂšce de ce puzzle qu’est Cuba, nous aura apportĂ© une anecdote, une histoire, une blague et que sais-je encore. Ils auront Ă©tĂ© les premiers Ă nous faire esquisser ce visage si multicolore de cette Ăźle Ă la croisĂ©e des eaux et ocĂ©ans.
Mais finalement, rencontrer Cuba ne se limite pas Ă ses locaux. L’autre visage de Cuba, c’est aussi celui vĂ©hiculĂ© et portĂ© par ses voyageurs qui la parcourent. Plus que dans n’importe quel autre voyage, il a Ă©tĂ© plus que plaisant de rencontrer toutes ces nationalitĂ©s et de sentir une telle entraide en cas de pĂ©pin, notamment avec les bus ViaZul lorsque le personnel cubain vous tourne le dos et vous laisse livrĂ©s Ă vous mĂȘme alors qu’ils sont en tort. Je garderais en mĂ©moire ces deux irlandaisAlan & NoĂ«lle, compagnon de taxi entre La Havane et Viñales ou encore Malt cet allemand Ă©tudiant en hollandais en Belgique et Ă©tant en Ă©change pour quelques mois en Colombie, rencontrĂ© au coeur de la VallĂ©e de Viñales, ou encore ce couple qui accepta de nous prendre au bord de la route, Ă tout juste 10km de l’aĂ©roport de Varadero, dans cette voiture digne d’un film hollywoodien…on ne pouvait rĂȘver plus belle fin Ă notre voyage cubain !
Les us et coutumes. Au cours de ce voyage, on aura acceptĂ© de jouer le jeu et de se plier aux traditions de ce pays, bien souvent avec amusement. On aura trĂšs vite compris qu’Ă Cuba, tout se nĂ©gocie, et on finira par se prendre au jeu de la nĂ©gociation, surtout pour les taxis, oĂč l’on cernera trĂšs vite le deal. On ne bronchera pas et on acceptera d’emprunter les bus dit “pour touristes” Viazul lorsque ce fut nĂ©cessaire, se pliant par la mĂȘme Ă leurs alĂ©as et Ă cette organisation ĂŽ combien imprĂ©visible (!). On regardera un brin Ă©berluĂ©, tous ces taxis collectifs si diffĂ©rents et improbables que prennent les cubains, et oĂč ils s’entassent Ă ne plus pouvoir respirer, donnant l’impression d’une cargaison de bĂ©tail. On dĂ©couvrira par lĂ -mĂȘme, la maniĂšre d’attraper un de ces taxis collectifs et on comprendra ainsi pourquoi et comment cela se fait qu’il puisse y avoir des gens au bord de la route au beau milieu de nulle part. Certains marchent et marchent jusqu’Ă chopper un taxi collectif quand d’autres prĂ©fĂšrent attendre Ă un point clef. On trouve ça un peu fou comme mĂ©thode et on se demande comment les gens font pour arriver Ă l’heure au travail le matin, tant les transports sont aussi incertains que peu courant dans certaines zones.
Avec J., on aura appris Ă faire la queue Ă la cubaine devant la CADECA. A MontrĂ©al, oĂč que ce soit (notamment pour le bus), on attend en rang d’oignons, c’est comme ca. A Cuba, sous la chaleur Ă©crasante, on cherche vite un coin d’ombre et surtout un coin ou s’asseoir si on pressent que ça va ĂȘtre long. La technique est donc toute autre ! En arrivant sur place, il faut demander “Qui est le dernier?” pour repĂ©rer quand sera notre tour, et celui-ci rĂ©pond “Ultimo”. Le suivant arrivera et posera la mĂȘme question Ă laquelle le dernier lui rĂ©pondra “ultimo” et ainsi de suite. Croyez moi, ce jour lĂ , on aura bien ri (car on a mis un certain temps Ă comprendre la technique, cherchant tant bien que mal un semblant de fil d’attende! et les cubains auront bien ri de nous on en est sur !) :)
On se sera mis avec grand plaisir Ă la cuisine locale, raffolant et redemandant toujours plus de “moros y cristianos”, de jugo de piña… On aura goĂ»tĂ© pour la premiĂšre fois de notre vie Ă de la canne Ă sucre et on aura bien vite pris goĂ»t de mĂąchouiller et sucer ce petit bĂąton. On se souviendra de cet “arrĂȘt au stand” en bord de route en direction de la VallĂ©e de Viñales, au beau milieu de rien par notre taxi pour faire une brĂšve pause et oĂč les vendeurs viennent direct Ă la voiture et (limite!) se battent pour vous vendre leurs petites barres cĂ©rĂ©ales pour une bouchĂ©e de pain et ĂŽ combien dĂ©licieuse. Malheureusement on n’aura jamais rĂ©ussi Ă en retrouver par la suite du voyage !
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Les paysages !
Les paysages. Je pensais Cuba longiligne, de sable et d’eau cristalline, colorĂ©e et bien rangĂ©e, comme sur cette carte postale toute dessinĂ©e. La surprise fut grande que de la dĂ©couvrir si hĂ©tĂ©roclite, escarpĂ©e, bousculĂ©e, parfois mĂȘme dĂ©fraichie. On voulait rencontrer Cuba en dehors des sentiers battus, et tous ces kilomĂštres avalĂ©s, toutes ces routes, ces sentiers, de bitume ou de terre, nous l’ont confirmĂ©s. On a ouvert grands nos yeux devant une telle disparitĂ© de paysages, d’ambiance, de similitudes et de contradictions. Un joyeux mĂ©lange qui souligne une fois de plus la richesse insoupçonnĂ©e de cette Ăźle.
Je me souviens dĂšs l’approche aĂ©rienne, par le hublot, de cette vĂ©gĂ©tation si abondante, de ce bras de riviĂšre qui serpente et pourrait faire penser Ă une vue de l’Amazonie. Ou bien encore, lors de ce petit dĂ©tour que notre premier chauffeur de taxi fera pour nous, pour nous emmener sur les hauteurs de cette rĂ©gion Matanzas et l’apprĂ©cier Ă sa juste grandeur, depuis lePont de Bacunayagua qui traverse la RĂo YumurĂ. Le tableau Ă©tait dressĂ© !
La carte postale prenait peu Ă peu vie, surtout lorsqu’il nous lĂącha Ă Santa Maria del mar, peu avant La Havane. Une premiĂšre immersion pour se mettre dans le bain, toucher du doigt ce mythe, cette eau cristalline Ă la tempĂ©rature si douce, ou l’on y plonge sans le moindre frisson glacĂ©. L’immensitĂ© du Golf du Mexique pour vous. Une image forte que je garderais Ă l’aller comme au retour, puisque sur conseil de notre dernier chauffeur de taxi, il nous dĂ©posera Ă la plage El Mamey, littĂ©ralement une petite crique au cadre plus que paradisiaque Ă 10km de l’aĂ©roport de Varadero, pour profiter des quelques heures qui nous restaient avant d’embarquer et de retrouver la neige et les tempĂ©ratures nĂ©gatives de MontrĂ©al !
Oui, une image forte de ce voyage, la toute premiĂšre un certain 27 dĂ©cembre 2014, puisque c’est littĂ©ralement au beau milieu des  eaux turquoises du Golf du Mexique, entre deux vagues, que J. se lança et me murmura au creux de l’oreille cette petite phrase, avant que je n’ouvre les yeux et dĂ©couvre cet Ă©crin qui se prĂ©sentait sous ces derniers. Du rire au larmes, de l’Ă©treinte au baiser salĂ©, et ces trois petites lettres rĂ©pondues sous l’Ă©motion et la surprise… :)
( Photo : GoPro – Djisupertramp )
Oui, Cuba c’est cette diversitĂ©, tous ces palmiers mais pas que ! C’est aussi ce visage plus marquĂ© dĂšs lors que l’on s’aventure Ă l’intĂ©rieur des terres, au grĂ© de ces petits villages, hameaux. Ces longues routes qui deviennent de vraies montagnes russes lorsqu’on se retrouve assise sur la banquette arriĂšre d’un taxi des annĂ©es 50 sans la moindre ceinture de sĂ©curitĂ©, le visage fouettĂ© par le vent qui s’engouffre dans l’habitable, parce qu’une partie des fenĂȘtres est manquante ! (Sur l’instant, je n’ai mĂȘme pas voulu imaginer un seul instant ce que ça devait ĂȘtre par temps de pluie !!). DĂ©couvrir derriĂšre ces abords de plat pays, des reliefs escarpĂ©s, montagneux dissimulĂ©s sous une Ă©paisse couche de vĂ©gĂ©tation. Tomber amoureuse de ces Mogotes au coeur de la VallĂ©e de Viñales, se laisser surprendre par cette petite passerelle sur pilotis au beau milieu de nulle part… Ce ne sont pas les souvenirs qui manquent !
- La propagande !
La Propagande. Rencontrer Cuba c’est aussi s’imprĂ©gner de sa culture, et cela passe au coeur des villes, mais plus encore Ă l’extĂ©rieur de celles-ci je trouve, de toute cette propagande vĂ©hiculĂ©e, de ces rĂ©fĂ©rences constantes Ă la politique, Ă l’histoire du pays, passĂ©e ou actuelle. Combien de visage du Che avons nous croisĂ© ? De gloire en son nom, de modĂšle Ă suivre ? Et puis cette vision surprenante mais ĂŽ combien significative, au moment oĂč nous y sommes allĂ©s, reflet du climat tendu et discussion sur toutes les lĂšvres, de la levĂ©e de l’embargo des Etats-Unis, avec cette affiche qui parle Ă elle seule sur la situation depuis 50 ans… “Bloqueo”.
- Reflective portraits !
RĂ©flective Portraits. Chaque voyage en comporte son lot, il Ă©tait donc Ă©vident que Cuba n’allait pas dĂ©roger Ă la rĂšgle et me permettre de poursuivre et d’ajouter un chapitre de plus Ă ma sĂ©rie. Une fois n’est pas coutume, qu’ils soient en intĂ©rieur ou en extĂ©rieur, tout mĂ©dium est un terrain de jeu, du miroir Ă la vitre, sans oublier l’Ă©ternel rĂ©troviseur. Ceux de Cuba firent particuliĂšrement mon bonheur, tant avec de vieilles voitures, il y avait de quoi faire !
  Canon AE-1. Porta 160 iso, Fujicolor C200 (périmée).
4 Comments
rory
26 septembre 2015 at 5 h 07 minQuel beau carnet j’ai vraiment eu l’impression de t’accompagner sur ces routes cubaines. Que de belles rencontres et souvenirs dis donc !
Et ces voitures !! Je deviendrais juste ouf lĂ bas :D
D’ailleurs les refective portraits avec les voitures sont particuliĂšrement rĂ©ussis.
Des bisous ma Sam <3
Vagabondanse
27 septembre 2015 at 19 h 17 minHahaha m’en parles, je savais plus ou donner de la tĂȘte avec les voitures, et j’avais la furieuse impression de ne prendre que ca en photo ^^. Mais c’est juste fou, on a tellement l’impression d’ĂȘtre dans une autre Ă©poque !
En tout cas merci pour ta fidĂ©litĂ© ma Rory et tous tes petits mots au long de ce carnet, je suis plus que ravie de savoir que j’ai rĂ©ussi Ă te transporter avec moi Ă Cuba, comme tu le fais si bien en ce moment dans votre pĂ©riple !
Pleins de bisous ma Rory <3 Ta bouille me manque tant !
Mili - The Flying Dutchwoman
25 septembre 2015 at 20 h 03 minC’est tout poĂ©tique, j’aime beaucoup ton carnet sur Cuba.
C’est une Ăźle qui me fait rĂȘver, pour tous ses contradictions, ses paysages et son histoire… et en voyant tes photos et en te lisant, j’ai eu un peu cette impression d’y ĂȘtre allĂ©e, le temps de ma lecture. Merci pour cette Ă©vasion guidĂ©e :)
Vagabondanse
27 septembre 2015 at 19 h 14 minMerci beaucoup Mili c’est adorable, tu ne peux pas me faire plus plaisir avec un commentaire pareil !! :) Ce n’est peut ĂȘtre pas la premiĂšre destination qui nous vient en tĂȘte quand on pense Ă partir en voyage, pourtant elle vaut vraiment le dĂ©tour ! :) Je te souhaite sincĂšrement d’avoir l’occasion de t’y rendre un jour !