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Analog / Reflective Portraits

Reflective portraits #3 : De l’autre côté du miroir…

Les pellicules se sont enclenchées, succédée, accumulées; tandis que le projet Reflective Portrait grappillait chaque jour d’avantage de place dans mon inconscient et ma pratique photographique. Peu à peu, la pelote de laine s’est déliée afin de laisser éclore le nœud marin de ce projet, encore bien flou et insoupçonné jusque là. Les prémices se sont affirmés pour se voir bien vite affranchis. Autrui a fait son apparition, et avant tout, son introduction dans le cercle restreint du moi. Je lui ai ouvert mes bras, comme pour mieux me l’approprier, m’approprier cette possibilité nouvelle. A tâtons, je l’ai apprivoisé pour mieux le laisser m’imprégner et l’enrôler au plus près.

Reflective Portrait

Prostrée, j’ai fini petit à petit par étendre chacun de mes membres. Renfermée, j’ai fini par me dégourdir les muscles pour mieux m’ouvrir à l’inconnu qu’induit et engendre une telle aventure, un tel pari, défi. Les œillères ont fini par voler en éclats, me laissant ainsi, bancale et chancelante face à l’immensité des possibilités de ce champ d’action et avant tout, de création. Parce que si au début, l’action primait, l’instant T sur le moment M; peu à peu la balance s’est inversée. Une bourrasque, et voilà la création qui attrape le gouvernail et mène, voiles flottantes et battantes, le navire sur les eaux intarissables de la liberté d’action. Les courants ont battus en retraite, l’action devient le nœud coulant de la création. La création en vient à provoquer l’action et non plus l’inverse.

L‘explication en est d’autant plus visible au travers de cette troisième catégorie, qu’est la Surface Réfléchissante; après avoir découvert les prémices au numérique, puis à l’argentique.

Reflective PortraitReflective Portrait in Stockholm

L‘instinct amène à prévaloir en premier, la surface réfléchissante la plus commune et classique, à savoir celle du miroir. Il n’y a pas plus abordable et meilleur entrainement qu’un miroir, peu importe sa qualité ou bien sa teneur. L’exercice peut apparaître fort aisé, mais détrompez vous, il n’en est que plus traître et peut également se révéler fort déstabilisant. Il y a bien souvent une berge ou deux entre l’image que l’on a, celle que l’on perçoit à travers autrui et celle que la surface réfléchissante nous renvoie. Si le miroir m’a permis de me faire mes premières armes, mes premiers nœuds marin, je l’ai bien vite délaissé pour mieux lui revenir à des moments clefs, des situations précises. J’ai pris le large pour mieux m’affranchir des canaux déjà tracés et qui confèrent une certaine assurance. De port en port, j’ai délaissé le miroir pour le verre.

La proue brise le calme plat de l’océan, l’exercice se révèle plus chaotique et exige, notamment au niveau de la technicité, si tant est qu’on admette une primeur à celle-ci. Si vous choisissez comme moi d’en faire fi, alors l’immensité d’action et de composition n’en est que plus belle. Avec hésitation, les doigts à fleur d’eau, je me suis immergée dans ces profondeurs. La surface changeait, mais l’histoire restait la même. On peut refaire autant de fois la décoration du bateau, le squelette poursuit à demeurer authentique. Le verre venait à supplanter le miroir tandis que je demeurais centrale, dans un classicisme de composition des plus singulier.

Reflective Portrait in MalmöReflective PortraitReflective PortraitReflective Portrait in Oslo

Au fil des remous, j’ai su apprivoiser ce reflet nouveau et mouvant; en ai observé et retenue la malléabilité. Car au fond, c’est bien cette qualité première qui m’a séduite et attirée à plonger tête la première, pour aller y arpenter ses abîmes. La surface réfléchissante en vient à supplanter le reflet lui même. La palette qu’offre la surface, cette malléabilité première et finalement très changeante, en fonction du lieu et du moment; amène la réflexion à hisser ses voiles à hauteur du mât de la création. L’un en devient l’égal de l’autre, son penchant, son « reflet » en quelque sorte. Les différentes strates de perceptions remontent à la surface pour mieux émerger, éclore et se révéler.

Reflective Portrait

Le gouvernail pointe en direction de l’illusion. Le phare éclaire celle-ci pour mieux l’éblouir et la rendre impalpable et au fond, illusoire. L’illusion illusoire; quoi de mieux pour qualifier ce reflet qui chahute notre oeil, notre perception première ? On croit voir, reconnaître; mais au fond, est-on bien certain de voir ce qui nous ai donné ? Est-ce bien ce que l’on croit ? La subtilité n’est-elle pas si traître ? L’ancre est jetée, la question est ouverte…

Reflective Portrait in StockholmReflective Portrait in Poland

De rade en rade, on en vient à prendre gout de larguer ainsi les amarres. Un plaisir certain à retrouver l’Océan, cette liberté infinie d’action. Garder le cap, droit devant, les yeux rivés sur l’horizon, on se laisse bercer par les quelques ondoiement et on joue avec un certain plaisir à mettre en pièce ces lignes qui vont et viennent selon le moment et l’endroit. Virer de bord et aller contre vents et marées, ou bien au contraire, se mouler dans la continuité de celles-ci afin de les épouser au plus près et de tendre à pousser un peu plus dans ses retranchements l’illusion. Que celle-ci soit purement formelle relevant du contenant, ou au contraire plus subtile et exige un regard plus arrêté et réfléchit sur le contenu.

Reflective Portrait in GöteborgReflective Portrait in Rättvik

Les mers et océans sont si vastes qu’il en devient risible de songer à en faire le tour et en connaître les moindres recoins en une vie. La carte de navigation est déroulée mais n’en est pas pour autant délimitée. La malléabilité et mouvance de ce canal, cette sous catégorie à ce projet de Reflective Portrait, est telle, que le plaisir et la curiosité de la découverte de la nouveauté en demeure un élément central et à jamais plaisant à s’approprier pour mieux s’en défaire ensuite. On pense à tord, avoir compris une fois le bouton enclenché, la photo prise, imprimé sur négatif; mais il n’en est rien. Certes, à l’instant ou vous ferez CETTE photographie, il pourrait éventuellement en être question, mais décalez vous ne serait-ce que de deux centimètres et vous repartez de zéro. Un dixième de seconde plus tard, un quart de centimètre de côté/avant/arrière et plus rien n’est identique. La perception vous dupe en vous amenant à croire naïvement l’illusion que rien n’a bougé, alors qu’il n’en est rien. Mais c’est aussi cela, la beauté de mon projet, de ces Reflective Portraits, savoir d’avance, qu’il n’y a aucune limites, et que l’unicité demeurera toujours première, quoi qu’il advienne. Nul besoin de hisser les voiles vers le lointain, d’acheter un billet d’avion, de train et j’en passe; lorsqu’il n’y a qu’à regarder autour de soi, pour trouver matière à créer. La preuve en est avec la photographie ci-dessous. Si j’ai su jouer et m’adapter à la surface du miroir et du verre, je ne pensais pas trouver un jour en mon meuble de cuisine laqué, une nouvelle surface et champ de possibilité à explorer…

Reflective portrait

 

Bonne semaine/rentrée !

P.s : Désormais, c’est de l’autre côté de l’atlantique que je vous écris :) ♥

2 Comments

  • Jules
    5 septembre 2013 at 10 h 04 min

    Encore un très bel article, c’est toujours aussi bien écrit et que dire de tes portraits… C’est beau, simple et l’instant est parfaitement saisi. Bravo !

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  • Jeremy Janin
    3 septembre 2013 at 13 h 30 min

    Je suis définitivement fan du choix des mots, des images… ils se mélangent à merveille pour laisser paraitre tes émotions, on sent que c’est bien plus qu’une simple photo dans un miroir que ces reflective portraits te permettent d’arrêter un instant précis, le reflet de ta vision sur un instant T quelque part dans le monde, de les capturer sans savoir de quelle façon cette vitre, ce miroir, cette surface réfléchissante te renverra ton interprétation de ce moment M, et c’est là que la magie opère car le charme de l’argentique se mélange à la magie de l’instant et nous réserve depuis 3 articles déjà que de belles surprises. On sent que ton oeil s’affine un peu plus à chaque cliché pour révéler une certaine subtilité de ton regard sur le monde qui t’entoure et te reflète. Et Dieu qu’il est beau ce monde là.

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