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Analog / Canada

La belle échappée raquettes au Mont Mégantic !

En France, je lui aurais dis « Viens, on s’en va voir la mer ». Au Canada, elle est un peu loin malheureusement. Alors à défaut de voir les vagues venir s’écraser contre la surface polie des galets, on est parti regarder les flocons virevolter sur les sommets forestiers.

Avril s’entame et avale dans les premiers jours les derniers restes de neige qui s’harnachaient encore ça et là à Montréal. Je suis partagée entre la tristesse de voir l’hiver bel et bien fini, et la joie de voir arriver le printemps, le retour de ce soleil chaud, de ce ciel si lumineux et de ce léger vent frissonnant.

L’hiver s’est installé très vite, les semaines ont filé et j’ai eu comme l’impression de ne pas en avoir profité. Pas comme je le souhaitais. Cette échappée belle au Mont Mégantic m’offrait là une belle occasion d’étirer pendant quelques heures encore l’hiver, de savourer la neige à grands pas et petits sauts.

On s’est retrouvé sur ce quai de métro à une heure bien matinale, avec nos gros sacs, nos raquettes et nos litres de soupe. On a grimpé à bord de la voiture, de cette véritable petite maison sur quatre roues tant il y avait de place, et on a fui à l’Est, en direction, de l’océan atlantique, du Parc National du Mont Mégantic. On a frôlé la frontière sans jamais la franchir, on a roulé droit devant nous, sur ces routes interminables sans vraiment en voir la fin, sans jamais vraiment s’en lasser.

On était bien, coupé de tout, loin de tout. Mettre entre parenthèse Montréal le temps d’un week end, mettre entre crochets le stress croissant de la fin de session, des rendus écrits qui se précisent, des oraux qui s’enchainent. Ne penser à rien d’autre qu’à observer et respirer. Savourer cette pause hors du temps, car c’est véritablement ce qu’il s’est produit, ce que chacun de nous a ressenti. Nous ne sommes partis que 48h, et pourtant, nous avons tous eu la sensation d’être partis pendant quinze jours.

En arrivant au Mont Mégantic, le ciel est plus cotonneux que jamais, et c’est sous quelques flocons humides que nous commençons l’ascension. La journée devant nous, pour atteindre notre chalet ou nous allons passer la nuit. A quelques randonneurs près, le parc nous appartient. Le silence nous accueille et nous enrôle tout au long de ce petit chemin tortueux à travers bois et monticule de neige. On grimpe, je plante les bâtons, et avec J. on se délecte de ce joli spectacle qu’on immortalise à chaque instant.

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Le coeur s’échauffe, le corps se réchauffe tandis que les joues rosissent sous la petite brise et les flocons qui viennent mourir sur ces dernières. Je profite de chaque pas de raquette qui s’enfonce dans la poudreuse pour revivre l’hiver qui est en train de prendre fin, ce tout premier hiver canadien. Je me suis laissée submerger par le stress et le boulot, préférant rester enfermée à Montréal, à regarder la neige tomber, l’hiver s’abattre derrière les carreaux de ma chambre. Ce jour là je savoure, ni plus ni moins que cet aparté, avec Lui et avec Eux.

Nos raquettes gravissent ce mont à mesure que les flocons grossissent. Le chalet du Col des trois sommets nous tend les bras, la froideur de ses chambres nous glace tandis que la pièce à vivre se réchauffe sous le brasier du poële. On se déleste de nos sacs pour mieux ressortir et s’alourdir du poids de ce silence forestier. La brume nous aveugle et nous ote toute perspective visuelle. Nous devinons à demi mots, le paysage qui se dessine devant nous, se dissimule à travers les flocons.

Les corps frémissent, les mains s’échauffent à coup de pelle pour dégager la glace sous la couche de neige qui s’accumule, remplir cette marmite et la faire fondre puis portée à ébullition pour remplir nos gourdes asséchées. Les gobelets de soupe s’entrechoquent à nos rires autour de quelques parties de cartes à la lueur des bougies et du feu du poêle. La fatigue aura raison de nous et nous invitera à nous blottir l’un contre l’autre dans nos chambres respectives, jusqu’à ce que le sommeil ne vienne faire taire ce froid ambiant, pour ne plus que nous en donner l’illusion.

Les flocons ont cessé, le soleil l’a supplanté. Les yeux s’entrouvrent par cette luminosité, s’écarquillent en franchissant le pas de la porte du chalet et en découvrant cette vue sur la vallée. Ce ciel bleu, cette réverbération sur cet épais manteau blanc. Les raquettes s’enfoncent tendrement, comme si elles rebondissaient. L’air est encore frais, mais qu’il est bon de sentir le soleil sur sa peau, à travers les branchages et monticules de neige, ô que oui mes joues et mon nez rosis en fin de journée s’en souviendront.

On se laisse porter par l’appel du sommet, par delà la cime de ces arbres qui n’en finissent plus de givrer. On grimpe jusqu’à en faire grincer nos articulations, jusqu’à ne plus voir la fin de ces virages qui s’enchainent, jusqu’à ne plus voir la fin de ce dénivelé…jusqu’à se retourner et imploser face à ce spectacle.

La bouche s’entrouvre et on réalise à quel point la veille nous n’avions rien vu, à quel point nous étions loin du compte. Le soleil éclabousse cette palette colorée qui s’étale et se dissipe jusqu’à l’horizon. Le vent tourbillonne et nous fouette les joues, mais qu’importe, la claque est déjà digérée. Le Mont Mégantic nous appartient, pas l’ombre d’une respiration en dehors des nôtres, de pas à côtés de nos raquettes. Ou voudrait crier comme la veille au soir ou nous avions fait raisonner la vallée toute entière avec le feulement de nos échos.

Les chemins se séparent, je l’attrape par la main et on dévale cette voie royale qui nous aveugle, s’enfonce dans sa poudreuse jusqu’à avaler les quelques kilomètres qui nous séparent du point de départ. Chaque descente nous rapproche un peu plus de ce paysage, chaque tournant nous ouvre davantage la voie sur ce dernier. La forêt s’écarte et je l’avale pour mieux m’en imprégner et la garder égoïstement en mémoire.

Il y a le plaisir à chaque coup de raquette, le sourire de photographier tout cela, le rire d’en profiter sans retenue, cette soif de liberté, ce sentiment si paisible ; mais il y a aussi la boule au ventre de savoir la fin si proche, alors qu’on a la sensation tenace que tout ne fait que réellement commencer.

On a fait tinter les raquettes entre elles comme pour mieux regarder les derniers flocons s’en aller. On a plier les batons tout en pliant la pointe de nostalgie qui se faisait jour, au fond de la voiture et on est parti. On a fui vert l’Ouest, on a mis le cap sur Montréal et on s’est perdu à travers ce paysage qui défilait devant nos yeux, au fur et à mesure que ces couleurs réchauffaient le ciel et attendrissaient nos cœurs.

Le soleil disparaissait et entraînait finalement avec lui l’épilogue de cette échappée belle, peu banale. On a vu la neige disparaître au fur et à mesure que l’on se rapprochait de la ville, alors que quelque part, elle continuait à tomber à grandes flopées dans nos esprits, derrière nos yeux, aux creux de nos souvenirs.

En France, je lui aurais dis « Viens, on s’en va voir la mer ». Cette fois-ci, nous sommes partis voir mourir l’hiver au cœur d’une échappée belle, d’une parenthèse inattendue, suspendue…jusqu’à l’hiver prochain.

Pellicules argentiques : Fuji Superia 200, Fuji Velvia 50 (non croisée), Ilford HP5+ 400, Kodak Ektachrome E100 S (périmée).

6 Comments

  • Lola
    30 juillet 2015 at 16 h 11 min

    Bien qu’étant en été, je ne peux que me languir d’être en hiver quand je vois ce genre de photos… d’univers avec le petit chalet dans la neige, super ! Chouette article, chouette blog, enfin une belle découverte en somme !

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    • Vagabondanse
      31 juillet 2015 at 0 h 38 min

      Merci beaucoup Lola !! Je suis un petit peu pareille tu sais, je suffoque sous la chaleur de Montréal et je me languis déjà le retour de toute la neige hivernale ! :) Surtout qu’ici, dans le cadre de cette rando raquette au Mont Mégantic, c’était vraiment à part, nous avions quasiment le parc pour nous *_*
      En tout cas, ravie que mon univers te plaise à ce point, bienvenue par ici ! J’ai souris en voyant l’adresse du site que tu as laissé, car j’ai passé de nombreux été aux Arcs 1950 ! Je garde un souvenir fort d’une rando levée de soleil faite depuis là-bas :)

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  • Mademoisellevi
    6 octobre 2014 at 22 h 41 min

    Waouh
    Je tombe sur ton blog
    Par hasard comme ça
    Et je suis amoureuse
    En un clic, la bonne claque dans la figure
    Ton blog est dans mes favoris
    Je le parcours depuis le début de la soirée, je commente enfin, MERCI
    La voyageuse que je suis a revé pendant deux heures devant ton univers !

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    • Vagabondanse
      7 octobre 2014 at 2 h 33 min

      Le hasard fait drôlement bien les choses alors !
      Je ne sais plus trop quoi dire ni ou me mettre après tous ces jolis mots et compliments !!! Merci merci :) J’espère ne pas t’avoir fait perdre deux heures de ta soirée et changer tes plans ^^

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  • Jeremy
    12 mai 2014 at 22 h 46 min

    Je suis fan, vraiment très fan de la façon dont tu as raconté cette echappée au Mont Mégantic, ce fut magique de partager ensemble :) Hâte d’être en juin pour encore plus de belles photos et de bons plaisirs comme celui là. Et tes photos, mamma miaaaa <3

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    • Vagabondanse
      23 mai 2014 at 22 h 41 min

      <3 ! Vivement l'hiver prochain pour que l'on puisse remettre ça !!

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