Deux mois et demi. DĂ©jĂ , deux mois et demi Ă Montreal. Deux mois et demi que les valises ont Ă©tĂ© dĂ©faites pour de bon, rangĂ©es sous le lit. Deux mois et demi Ă apprivoiser un quotidien qui n’est pas sien, se fondre dans le dĂ©cor pour mieux s’y (re)trouver. DĂ©couvrir, retenir et se repĂ©rer. Finalement, partir s’expatrier Ă l’Ă©tranger, c’est un peu Ă©pouser l’inconnu, se lancer Ă corps perdu dans une relation et faire des concessions, comme on le ferait avec l’individu. Montreal, je t’ai choisi tel que tu es, avec tes dĂ©fauts et tes qualitĂ©s, ton absence culinaire et ta culture hĂ©tĂ©roclite, cosmopolite. J’ai pris sur moi, t’ai laissĂ© m’ouvrir tes bras pour mieux venir m’y blottir et sentir ta chaleur si lĂ©gendaire.
Montreal, dĂšs la descente d’avion tu as attrapĂ© ma main et ne l’a plus jamais lĂąchĂ©. Tu m’as ballottĂ© de quartier en quartier, au rythme de ta topographie gĂ©ographique. Tu m’as guidĂ©, pour finalement mieux me laisser m’imprĂ©gner, tenter, Ă©chouer et me relever. Montreal je t’ai aimĂ©, criĂ©; tu m’as chiffonnĂ©, as pris sur toi sans rien dire pour mieux me voir te revenir. Tu m’as empoignĂ© et charriĂ© le long de cette ligne bleu en direction de l’Est, pour m’oublier au rythme des Ă©tales du marchĂ© Jean Talon.
Une escale au coeur de ce voyage journalier. Une Ă©chappatoire visuelle, sensorielle et gustative, qui donne l’illusion d’avoir traversĂ© l’Atlantique, et de dĂ©ambuler sur l’un de ces petits marchĂ©s du sud de la France. Un rendez-vous mensuel, incontournable, une impatience intarissable de fouler le sol brut de ces allĂ©es, de retrouver ces visages, ces sourires, ces accents et toutes ces habitudes qui prennent racine au fil du temps. Les semaines se succĂšdent, les saisons s’entremĂȘlent au grĂ© des couleurs, des fruits et lĂ©gumes. Les citrouilles d’Halloween ont pullulĂ© de tous cĂŽtĂ©s avant que les travaux ne prennent place et ferment ces halles pour l’hiver, laissĂ©es jusque lĂ Ă la merci de la lumiĂšre et des vents.
Deux mois et demi. Deux mois et demi que tu es Ă mes cĂŽtĂ©s Montreal, que tu le livres Ă moi sans la moindre retenu, sur les points les plus incongrus, par cette chaleur humaine que tu recĂšles. Tu t’es ris de moi, de me voir partir en expĂ©dition pour aller visiter le gĂ©ant suĂ©dois jaune et bleu. Prendre deux mĂ©tros, un bus, marcher et perdre ainsi une heure de temps; pour finalement dĂ©couvrir qu’en vingt minutes et une bouchĂ©e de piĂšces (20$!), un taxi faisait l’affaire et avait l’avantage de me ramener chez moi le jour mĂȘme avec mes meubles et me ferait Ă©conomiser bien des piĂšces de la livraison classique.
Deux mois et demi que nous avons pris corps dans ce quotidien vierge; entre ces murs d’un blanc immaculĂ©, traversĂ© de chaque cĂŽtĂ© par cette lumiĂšre chantante et chancelante. Nous avons vu ses piĂšces se remplir au fil du temps, des brocantes, des trouvailles. Chacune a dĂ©fini son univers, son antre, avant de se voir mixer ses origines au coeur des piĂšces communes. Cet appartement, nous l’avons cherchĂ©, avons pris notre temps, pour finalement LE trouver. Deux mois que nous y prenons racine, le quittons Ă chaque fois le coeur serrĂ© et y revenons le sourire aux lĂšvres.
Montreal tu m’as conquis, as su toucher la corde sensible avec justesse. Je t’ai apprivoisĂ©, me suis appropriĂ© tout ce qui te constituait pour mieux oublier, faire taire ce manque du pays. Les assiettes de porcelaine sont demeurĂ©es au placard, tu as pris ma main et ensemble nous sommes, une fois encore, allĂ©s de l’avant. Nous avançons sans pour autant fuir. Tu me fais mettre un pied devant l’autre, en amont de chacun des tiens, dans tes pas, pour ne pas voir poindre l’amertume du regret. L’automne s’est installĂ© et tu as chassĂ© la morositĂ© de mes yeux en un baiser fougueux, une plaisanterie futile. Tu as ouvert les rideaux un beau matin pour me faire voir les surprises dont tu Ă©tais riche. Tu as apportĂ© sous mes fenĂȘtres un petit tour de France, comme pour mieux me faire me sentir Ă la maison, si loin par l’ocĂ©an qui nous sĂ©pare, mais si prĂšs par lâĂ©vĂ©nement qui se dĂ©roule. J’ai ri aux Ă©clats et toi, Montreal, tu as souri d’avoir gagnĂ© Ă nouveau une petite bataille. La liste commence Ă s’allonger, la victoire finale en serait-elle proche ?
Deux mois et demi. DĂ©jĂ , deux mois et demi Montreal, que tu as chamboulĂ© ma vie, que notre histoire bien que chaotique sous cet amas de diffĂ©rences qui nous caractĂ©risent, nous unies et nous invitent Ă faire fi du moindre dĂ©saccord. Je me braque, te tourne le dos et toi tu luttes contre vents et marĂ©es pour faire taire le moindres bas, la moindre chute. Tu ne veux garder que le meilleur, uniquement les hauts; alors tu te donnes sans compter, remues chaque parcelle de tes capacitĂ©s et m’offres sur un plateau ce positif Ă profusion. Tu me prĂ©sentes Ă eux, m’invites Ă faire fonctionner ma mĂ©moire avec tous ces prĂ©noms. Tu me les fais rĂ©pĂ©ter pour mieux les intĂ©grer, les dĂ©passer et me faire ouvrir les yeux sur les ĂȘtres qu’ils sont. Montreal, cette histoire nous l’avons forgĂ© Ă deux, nous l’avons bĂąti ensemble et pourtant, au fond, nous ne serions pas lĂ ou nous en sommes sans eux, sans chacun d’eux. Parce que s’expatrier, sur le papier, c’est prendre la dĂ©cision de partir bien souvent seul(e) vers l’inconnu; mais en rĂ©alitĂ©, en pratique, c’est ĂȘtre plusieurs face Ă cet inconnu. C’est se comprendre sans avoir besoin de parler, ĂȘtre dans ce bateau de la traversĂ©e, ensemble et vivre cela de maniĂšre soudĂ©e. Vivre dans ce monde Ă part, loin de tous, loin des nĂŽtres qui ne peuvent se douter, imaginer un seul instant ce que nous vivons, tant cette Histoire n’a de sens que parce qu’il faut la vivre et s’y noyer.
Deux mois et demi Montreal, dĂ©jĂ . Nous aurons donc rĂ©ussi Ă tenir deux mois et demi avant de songer Ă s’Ă©loigner l’un de l’autre. Des heures, des nuits face Ă l’Ă©cran, Ă faire osciller ces dates d’une semaine Ă l’autre, d’un aĂ©roport Ă un autre, voire mĂȘme d’un pays Ă un autre. J’ai manquĂ© de te quitter pour faire un Montreal-Toronto-Varsovie-Paris, mais finalement, je te dirais au revoir par un vol direct, le coeur en sera moins serrĂ©. Il nous en aura fallu de la patience pour ne pas s’arracher les cheveux et voir voler en Ă©clats ce retour au pays, ĂŽ que oui. Il vous faudra en redoubler aujourd’hui, Ă la mi novembre, si vous dĂ©sirez vous aussi rĂ©ussir Ă comparer et trouver votre billet d’avion pas cher, afin de faire comme tous ces expatriĂ©s que nous sommes, et rentrer se ressourcer, le temps des fĂȘtes.
Montreal, je vais te quitter avec joie, en ayant sur le bout des lĂšvres la douceur des retrouvailles qui nous tendra les bras en cette nouvelle, belle et riche annĂ©e qui nous attend. Te quitter avec l’impatience de te retrouver, de t’enlacer plus que jamais au coeur de l’hiver pour ne plus te quitter avant que l’Ă©tĂ© ne s’installe. Oui, voilĂ . Si j’ai voulu te fuir dĂšs les prĂ©mices de notre histoire, aujourd’hui, je me rends compte que je ne peux plus m’imaginer loin de toi, loin de nous, de tout ce que nous avons construit en deux mois et demi…ce quotidien, ce voyage journalier, (ma) notre nouvelle vie. â„
26 Comments
Margaux
10 dĂ©cembre 2019 at 17 h 26 minJ’ai lu cet article Ă sa sorti en 2013. Ton blog m’a tellement fait voyager et c’est avec Ă©motion que je relis aujourd’hui cet article, dans un petit cafĂ© place des arts. Je me sens si chanceuse d’ĂȘtre ici et d’avoir l’impression de marcher sur tes pas. â€ïž
Vagabondanse
14 janvier 2020 at 14 h 13 minOh mais ! Tu n’as pas idĂ©e comme ton commentaire me touche Margaux ! Je suis sincĂšrement Ă©mue de lire ces mots et ravie pour toi de savoir que tu as mis le cap sur MontrĂ©al :) Qu’en as tu pensĂ© ?
Mille excuses pour le retard de réponse !!
Margaux
14 janvier 2020 at 15 h 58 minJe suis contente que ça te fasse plaisir ! J’ai retrouvĂ© MontrĂ©al hier, aprĂšs des vacances en France. J’aime tellement cette ville et ces habitants, et je suis en joie d’ĂȘtre revenue. :)
Claire
16 avril 2018 at 10 h 53 minUn trĂšs joli texte dont il est amusant de dĂ©celer ta vision de MontrĂ©al comme une vĂ©ritable relation. AprĂšs tout, pourquoi ne serait-on pas reliĂ©s par des liens relationnels Ă chaque destinations du monde ? Vision dĂ©licieusement poĂ©tique…
Vagabondanse
18 avril 2018 at 11 h 57 minMerci beaucoup Claire, c’est si joliment dit et c’est exactement ça :) MontrĂ©al, tout comme Paris, a une place Ă part dans mon coeur et je perçois ces deux villes, vĂ©ritablement comme une relation ! Le nom du blog n’y est d’ailleurs, pas pour rien… ;)
agathelatuque
21 novembre 2013 at 15 h 18 minChĂšre Vagabondanse,
c’est un plaisir de te voir kiffer MontrĂ©al. J’ai des envies du MarchĂ© Jean-Talon !
Agathe
http://www.swing-la-bacaisse-dans-lfond-dla-boite-a-bois.com/
Vagabondanse
24 novembre 2013 at 0 h 39 minMerci chĂšre Agathe :) Comment ne pas se plaire Ă MontrĂ©al ?! Quant Ă Jean-Talon…une petite pĂ©pite ou il est bien difficile de ne pas y passer des heures !
Maou
18 novembre 2013 at 17 h 13 minSuperbes ces photos ! C’est bien de l’argentique ? Tu as pu trouver un bon labo ?
Ton petit nid a l’air tellement douillet.
MontrĂ©al est une ville que j’ai vraiment envie de dĂ©couvrir un jour… tu ne peux pas imaginer Ă quel point j’adore tes articles Ă ce sujet :) et Ă quel point ça me donne ENVIE !
Vagabondanse
24 novembre 2013 at 0 h 41 minComme je le disais dans les prĂ©cĂ©dents articles sur MontrĂ©al, depuis mon arrivĂ©e ici je n’ai pas sorti une seule fois le numĂ©rique, je profite du lot de pellicules que j’avais achetĂ© avant de venir et je me dĂ©lecte de photographier MontrĂ©al avec :) Alors oui, encore une fois, ce n’est que de l’argentique dans cet article !
Je pense que tu te plairais beaucoup ici, vraiment :)
Jerisdunez
14 novembre 2013 at 9 h 25 minLes photos sont magnifiques, elles font voyager
Des Bisous
Aurore
Vagabondanse
17 novembre 2013 at 20 h 46 minMerci beaucoup Aurore :)
LaNe
13 novembre 2013 at 17 h 29 minTrĂšs beau texte….
La distance, cette plaie. Skype, mon amour. Mais on s’y fait, promis… ;)
Vagabondanse
17 novembre 2013 at 20 h 46 minAhhh Skype, pour les expats, cet ami qui vous veut du bien ^^.
Avec le temps, si bien, on finit par se faire Ă tout :)
Djahann
13 novembre 2013 at 13 h 44 minça me donne vraiment envie d’y retourner. Je n’y ai passĂ© qu’une semaine, mais j’ai vraiment aimĂ© m’y fondre.
Vagabondanse
17 novembre 2013 at 20 h 47 minUne semaine c’est bien assez pour donner envie d’y revenir au plus vite ! Je ne peux que te souhaiter de rĂ©itĂ©rer l’expĂ©rience ;)
AnneClaireBCN
13 novembre 2013 at 12 h 44 minEt bien, qu’est ce qu’on en lit des billets sur MontrĂ©al et le Canada en ce moment. Mais pas aussi souvent des billets comme le tien, si bien Ă©crit.
Vagabondanse
17 novembre 2013 at 20 h 48 minTon compliment me touche particuliĂšrement Anne Claire, merci beaucoup â„ Il est vrai qu’en ce moment, avec l’ouverture imminente des pvts, ce ne sont pas les billets sur MontrĂ©al et le Canada qui manquent. VoilĂ pourquoi j’avais envie d’en parler Ă ma façon :) et je suis vraiment contente que cela ait pu marquĂ© et changer un peu cette routine qui s’installe ces derniers temps concernant cette destination.
Cindy came-true.blogspot.com
13 novembre 2013 at 12 h 03 minJ’aime beaucoup la façon dont tu Ă©cris, la façon dont tu tutoies MontrĂ©al, c’est joli comme tout. ^_^
Je guette l’ouverture des demandes de PVT en ce moment car j’espĂšre faire comme toi l’an prochain et voir si MontrĂ©al voudra bien m’apprivoiser… ^_^
Vagabondanse
17 novembre 2013 at 20 h 49 minMerci beaucoup Cindy ! Je ne peux que croiser les doigts pour toi et que tu puisses à ton tour vivre cette belle expérience montréalaise !
Cindy came-true.blogspot.com
18 novembre 2013 at 8 h 18 minMerci beaucoup. ^_^
thibaudd
13 novembre 2013 at 10 h 18 minJ’y ai vĂ©cu un an, j’ai adorĂ© y vivre, j’ai adorĂ© rentrer au pays et aujourd’hui, ça me manque parfois. Surtout quand on en parle si bien
Vagabondanse
17 novembre 2013 at 20 h 50 minMerci Thibaud :) Je crois bien qu’on ne repart jamais vraiment indemne d’un endroit, peut importante la dimension de celui-ci; mais je dirais, encore plus quand il s’agit de MontrĂ©al… :) J’espĂšre que l’occasion se reprĂ©sentera pour toi de revenir par ici !
Sarah Krug
13 novembre 2013 at 9 h 55 minUne belle dĂ©claration Ă notre petite ville. (et hihi, la chevelure :) J’espĂšre qu’on te reverra bientĂŽt avec la neige.
Vagabondanse
17 novembre 2013 at 20 h 51 minâ„ ĂŽ que oui, je sens que lorsque je vais rentrer en janvier, je ne vais pas reconnaĂźtre mon MontrĂ©al !! Mais j’ai tellement hĂąte de le voir ainsi..!
(la chevelure…mais quelle chevelure !! ahah ;) )
Katia
13 novembre 2013 at 9 h 03 minC’est trĂšs beau Samantha plein de poĂ©sie et de sentiments contradictoires,cette nouvelle vie Ă laquelle tu commences Ă t’adapter,ce nouveau quotidien que tu racontes si bien toujours Ă ta façon,Ă cette façon si particuliĂšre et bien caractĂ©ristique de jouer avec les mots :) tu rentres pour combien de temps en France?
Vagabondanse
17 novembre 2013 at 20 h 52 minâ„
Je rentre pour une petite semaine, ce sera court mais tellement intense, je le sais :) De quoi me ressourcer et revenir ici chargĂ©e de beaux souvenirs pour affronter l’hiver !