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Analog / Canada

Montréal : Et puis un beau matin on ouvre les rideaux, et…

Un beau matin on ouvre les rideaux et on découvre un décor longtemps imaginé, rêvé pour certains, fantasmé pour d’autres. Oui, un beau matin on ouvre les rideaux et on rencontre Montréal enneigée. Montréal immergée.

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Un beau matin on ouvre les rideaux et on se souvient. On remonte le temps comme on rebrousse la neige le long des caniveaux. On s’y était préparé l’été précédent, au zénith estival, lorsqu’il a fallu faire les valises et plier bagages. Lorsqu’on a su qu’on ne partirait pas de là-bas à la tombée des feuilles automnales, aux prémices du thermomètre qui dévale la pente des degrés. On y pensait dans un coin de nos têtes à chaque conversation, avec tous ces yeux écarquillés en face de nous pour qui le Canada évoque avant tout, la rude saison hivernale. L’hiver semblait alors figé sur les pages de papier glacé; peut être même givré. Oui mais, un beau matin, on ouvre les rideaux et on vient chercher l’autre pour nous pincer car on n’en croit pas nos yeux. On vient le chercher par la main, avec ce sourire au coin des lèvres pour l’entraîner à nos côtés à se jeter dans ce tableau qui s’est dessiné pour nous la nuit durant. On s’emmitoufle et on s’engouffre dans la poudreuse fraîche en sentant ses joues se figer, ses cils se durcir, ses lèvres rosir et laisser échapper un flot de fumée continue. Le vent nous glace les tempes alors que le cœur chaud, lui, ne cesse de tambouriner derrière la cage thoracique.

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Oui, un beau matin on ouvre les rideaux, l’hiver est là. Bel et bien là. Montréal est désormais submergée, parfois même immergée. Le printemps est encore loin. Nos yeux doivent se faire à cette nouvelle couleur, texture, car les prochains mois seront longs et nos pieds ne fouleront pas de si tôt à nouveau le béton. On regarde le calendrier, on se remémore la veille au soir, alors qu’il n’y avait rien. Non, vraiment, rien de rien. Le thermomètre a explosé, la neige a dévalé et englouti pour de bon les dernières effluves de cette palette rougeoyante. Un beau matin on ouvre les rideaux et on inverse les penderies. On relègue au fond d’une boite sous le lit la veste et les bottines de mi-saison pour le gros manteau en duvet, les écharpes de laine en grosses mailles, moufles, chapka et grosses chaussures de neige.

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Un beau matin on se réveille et on apprend la grammaire d’un nouveau quotidien, la conjugaison d’une nouvelle saison. On se familiarise avec l’accord singulier/pluriel de sensations encore insoupçonnées de son corps. On récite les précautions/habitudes à prendre avant de sortir quand le thermomètre frôle les -25/-30°. Un beau matin on se réveille et on ne se contente pas d’énumérer les lettres de l’alphabet et de cesser toute activité une fois la lettre Z arrivée. Non, au contraire, on poursuit à chantonner l’alphabet en boucle, on ne change rien, on adapte juste la tonalité d’une routine quotidienne ancrée au douceur des saisons passées, au grès des aléas météorologiques. On regarde amusé, le ballet des chasses neige, aller et venir, remplir ces gros camions et fuir jusqu’au port pour déverser cet or blanc et gonfler le cours du Saint Laurent. Un beau matin on se réveille et on apprend à marcher sans regarder ses pieds, puisqu’on ne voit plus ceux-ci !

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Un beau matin on ouvre les rideaux avec l’envie tenace de poursuivre à s’extirper hors des murs, à respirer l’air frais qui vous cristallise les narines, vous brûle la trachée. A mesure que l’enveloppe externe de nos corps se glace, on réchauffe le contenant de nos coeurs autour de bons brunchs. Les adresses défilent, ce n’est pas ce qui manque à Montréal, hiver comme été, ensoleillée ou immergée. On salive au Café Souvenir, se régale à l’Avenue et déguste au Pastaga. Un beau matin on ouvre les rideaux et on se remémore la soirée de la veille. Les plans ne changent pas et pour rien au monde on ne le voudrait. On persiste à patiner dans la belle immaculée pour aller s’enivrer d’un savoureux mélange d’amis, de rires et de sourires avec un soupçon d’alcool. La tempête souffle, mais rien n’entrave notre envie de poursuivre et achever notre soirée bien arrosée autour d’une poutine. Tradition oblige ! On étire l’instant au gré des flocons ou bien on se lance dans des confidences jusqu’à l’aube. Ici, même la nuit, sous une flopée de flocons continue, la vie se poursuit. Entraîner par la fraîche chaleur de celle-ci, on ne peut claquer des dents.

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Un beau matin on ouvre les rideaux et on écoute, les yeux clos, le crissement des grosses chaussures sur la poudreuse fraîche. On prend le pli de claquer/racler celles-ci à chaque entrée dans un lieu. On range les vélos au garage jusqu’à l’arrivée des premiers bourgeons et on sort raquettes et autres skis de fond. On égraine les parcs de l’île, on se lance par -20 à l’assaut de la « montagne » en raquettes, un beau soir, à la lueur de la lune et des lumières de la ville. Ô que oui, un beau matin on ouvre les rideaux et on se glisse rapidement mais surement dans cette nouvelle vie, on l’étreint à mains nu jusqu’à voir celle-ci se craqueler; l’embrasse jusqu’à sentir nos lèvres se gercer.

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Oui, un beau matin on se réveille, on ouvre les rideaux et on continue à vivre. Comme hier. Comme demain. Comme si de rien.

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Bon week end ! :)

(pellicules périmées : Afgapan apx 100 et Afga CT precisa 100)

16 Comments

  • Faby
    9 février 2014 at 17 h 27 min

    C’est qu’il est drolement beau cet article (les photos, tes mots).

    Et comme toutes les fois ou on parle de Montréal, et de ses paysages enneigés, j’ai juste envie d’enfiler ma parka, ma tuque, mes clics et mes clacs et de sauter dans un avion <3 (alors merci pour ce petit voyage de mon petit village francais pluvieux)

    Reply
    • Vagabondanse
      10 février 2014 at 17 h 17 min

      Merci à toi Faby :) Tu ne peux pas me faire plus plaisir avec tes mots ! Parvenir à vous transporter le temps d’un article et de quelques photos, de l’autre côté de l’Atlantique, loin de la météo capricieuse française!!

      Reply
  • Jeremy Janin
    8 février 2014 at 15 h 02 min

    Quand je te dis que tu as du talent, beaucoup de talent… à la fois pour les photos mais aussi pour les mots. Cet article est juste tellement canon *_* Moi aussi je veux! <3

    Reply
  • perlicoti
    8 février 2014 at 11 h 23 min

    superbe photos ! voilà qui donne envie de faire sa valise!

    Reply
    • Vagabondanse
      10 février 2014 at 17 h 15 min

      L’hiver est loin d’être terminé, la neige continue de tomber, alors oui, il est encore temps de faire sa valise et de venir ! ;)

      Reply
  • 1idee
    7 février 2014 at 20 h 51 min

    Waouhhhhh! Superbe!

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  • julien perri
    7 février 2014 at 20 h 44 min

    Si il y a bien une raison pour laquelle j’irais à Montréal c’est bien celle là, de la neige pour de vrai même en ville.
    Très bel article :)

    Reply
    • Vagabondanse
      10 février 2014 at 17 h 13 min

      ô ca oui ! J’attendais avec impatience en venant à Montréal, de retrouver un VRAI hiver, comme je l’avais connu en Pologne les années précédents; et je ne suis que joie *_* !

      Reply
  • Luminouroz
    7 février 2014 at 12 h 26 min

    Ooooh, gros pincement au coeur en lisant ton article ! Les photos sont magnifiques, Montréal sous la neige, j’en suis complètement amoureuse et ça me manque énormément :(

    Reply
    • Vagabondanse
      10 février 2014 at 17 h 12 min

      Oh ! Merci :) Je ne peux que comprendre ton sentiment, je crois bien que le retour en France dans quelques années va être dur et ce spectacle va drôlement me manquer !!

      Reply
  • Malicyel
    7 février 2014 at 11 h 48 min

    Tous les matins je me réveille en espérant qu’il ait neigé :)

    Reply
    • Vagabondanse
      10 février 2014 at 17 h 11 min

      C’est fou comme la neige peut vous changer un quotidien ! Je croise les doigts pour toi ;)

      Reply
  • eiffair
    7 février 2014 at 10 h 18 min

    Un seul mot : superbe !

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